Le Luxembourg a eu des affichistes (aujourd’hui on dit graphic designers) de talent dans les années 1950-1970. Le City Museum avec l’exposition Best of Posters, permet de commencer l’année en allant voir cent exemplaires d’une expression par principe joyeuse, car pour beaucoup liée à la pop culture. Après la Deuxième guerre mondiale et durant les années des baby-boomers, l’affiche devait donner envie de consommer et de se divertir dans tous les domaines, culturels ou sportifs.
Certes, il existe toujours des colonnes Morris et des murs où il n’est pas « défendu d’afficher ». Mais, avouons-le, où est passé ce style inimitable et donc inoubliable ? Pour en signifier encore plus la valeur, Best of Posters commence d’ailleurs en présentant une pièce d’art contemporain de la série des Berlin Papers de l’artiste Eric Mangen (d’Land, 4.11.2022).
L’art de l’affiche remonte en fait au XVe siècle, où l’invention de l’imprimerie permit la reproduction en nombre. Le métier de crieur de rue avait vécu et ce sont, comme le montre l’exposition, des décisions administratives surtout qui marquèrent les débuts, aussi de l’affiche luxembourgeoise : décrets du roi-grand-duc des Pays-Bas, avis d’adjudication des travaux de démolition du fort Berlaimont.
Si des affiches des Français Jules Chéret et Eugène Grasset rappellent que Paris était vers 1900 la reine des plaisirs, on l’ a oublié – mais voici : Luxembourg était elle la reine de la production de roses, exportées dans le monde entier. L’affiche du pépiniériste Gemen & Bourg est bien dans le style Art Nouveau et une autre, de la Fédération des associations du petit jardinage, dans celui Art Déco des années 1920.
La première affiche luxembourgeoise signée de l’exposition date de 1928 et c’est l’artiste peintre Jean Schaack que l’Arbed commandita pour avertir de manière frappante, avec des aplats couleur de feu du danger d’un coup de grisou. On comprend l’importance des affiches pour la sécurité au travail, dont une est même rédigée en italien, la langue des émigrés de l’époque. Curieusement durant les années 1940, au Luxembourg, devenu Gau, la population était avertie du couvre-feu en luxembourgeois …
On peut regretter de ne pas avoir plus d’informations biographiques dans l’exposition Best of Posters sur les graphistes qui, partant des années de reconstruction, puis les années 1960-70, ont mis leur talent au service de cet art de communiquer essentiellement par l’image. On a déjà nommé le peintre Jean Schaack, mais il y eut aussi son collègue l’artiste peintre Foni Tissen et des graphistes de métier comme le Graphic Studio Mehlen, Pe’l Schlechter ou René Wismer. Le sujet lui, évidemment, était un thème en or pour faire participer le public au choix de cent affiches dans le fond du musée et le rapprocher de manière participative des professionnels de la culture (conservateurs et médiateurs) et des amateurs d’art (Les Amis des Musées).
Des affiches célébrissimes se retrouvent dans le Top 10 de Best of Posters : beurre de la marque Rose de la Luxlait (Pe’l Schlechter, 1962), une voiture rouge bondissante pour le Grand Prix autos motos du Luxembourg (1952). De Jean Schaack, encore lui, une affiche classieuse pour le Salon du Cercle Artistique (CAL) de 1935, sans oublier « l’affiche par excellence » du Graphic Studio Mehlen, dont tout le monde se souvient : tout ce que Luxembourg compte de clochers et clochetons, redoutes et ponts, dans des couleurs flashy vert, orange, rouge et violet sont réunis en pyramide vertigineuse pour les Chemins de Fer Luxembourgeois et pour vanter le tourisme au petit pays.
Le langage graphique est une discipline artistique en soi et on est un peu étonné de ne pas retrouver dans le Top 10 « la » célébrissime affiche où une jeune femme, bouche et ongles laqués de rouge, sourire brillantissime, vante une célèbre marque de cigarettes nationales. On peut regretter que le politiquement correct censure par des commentaires des jurés un produit certes nocif comme le tabac, mais qui n’a rien à voir avec la qualité graphique. Nous la classerons donc Top 11 et à chacun de découvrir des trésors tout au long du parcours, comme ce navire « Europe » toutes voiles aux couleurs des pays européens dehors, issu d’un concours en 1950 pour le plan Marshall.
Comme le but de l’affiche est de frapper les esprits et de donner envie, on n’a pas boudé notre plaisir en revoyant les excellentes campagnes publicitaires de la Loterie Nationale de Pe’l Schlechter et Pit Weyer. Celui-ci imprima aussi sa patte aux affiches du Théâtre des Capucins dont il signa le logo, inoubliable.