Avez-vous déjà remarqué qu’un enfant, ça ne marche pas, ça court ? Surtout lorsqu’il a hâte de découvrir quelque chose de nouveau. Samedi matin, 17 janvier, des centaines d’enfants courent dans le grand hall de la Philharmonie, des sachets bruyants entre les mains, des parents essayant de les raisonner et de les rappeler à l’ordre derrière eux. Dans les sachets des plus appliqués : des instruments de musique bricolés sur base des instructions téléchargeables sur internet – une cannette pleine de riz, un sachet en papier, des claves en bois. Les autres se voient offrir ces ustensiles à l’entrée de la salle, peu d’institutions culturelles sont aussi avenantes dans l’accueil de leur public que la Philharmonie. Au programme de ce concert familial intitulé Bäng ! : la découverte de la composition, autour de la nouvelle pièce de Pascal Schumacher, Windfall Concerto, commanditée par l’OPL, qui l’a créée la veille dans la même salle pour un public adulte. Les enfants ont les yeux écarquillés devant la taille de la salle, la mise en scène des instruments devant eux, l’envergure de l’orchestre, les ballons rouges et blancs, tout quoi.
Arrive Klaus Brettschneider, percussionniste de l’orchestre et maître de cérémonie de la matinée. Immédiatement et avec le naturel jovial qui le caractérise, il établit un dialogue avec les enfants, cherche à les intégrer, présente le compositeur et soliste Pascal Schumacher, l’interroge sur sa méthode de composition, ses idées, fait interagir les élèves de la classe 4.2 du fondamental de Niederanven, qui ont été impliqués durant des mois dans un échange créatif avec Pascal Schumacher.
L’idée du programme pédagogique de l’OPL est simple : au lieu de présenter des spectacles s’adressant spécifiquement aux plus petits, comme le font d’autres programmes pour enfants, ils essaient au contraire de faire une médiation entre l’orchestre et le jeune public en lui enlevant le côté rituel et en expliquant ce qui fait la musique. Ici, le Philharmonique est proche des enfants, ce ne sont plus des pingouins en queue-de-pie, mais des gens sympas en chemises colorées, différentes selon leur section musicale : les cuivres en vert, les cordes en bleu, les percussions en bordeaux, les bois en orange... Pour montrer le processus créatif, la musique est décomposée afin de la recomposer par la suite.
En guise d’exemple, les enfants de Niederanven ont inventé une pièce rythmique avec les bruits de leur quotidien. Un jour à l’école raconte la pluie et les sauts pieds joints dans les flaques d’eau, les jeux de ballon, le brouhaha en classe et l’intervention décidée de la maîtresse pour faire régner l’ordre – des bruits qu’ils recréent sur scène avec des objets de bruitage. Puis ils ont composé des mélodies sur ordinateur, des mélodies que le compositeur Ivan Boumans a adaptées pour orchestre – et la magie opère. Peu à peu, la genèse d’un morceau de musique classique devient palpable. Afin de les tenir éveillés, les enfants du public sont régulièrement invités à intervenir avec les instruments qu’ils ont apportés. Un garçon choisi au hasard se voit même offrir la possibilité de composer un morceau avec plusieurs éléments préexistants (ce qui dure un peu trop longtemps, pour les autres).
Entre les éléments interactifs, il y a Pascal Schumacher et son Windfall Concerto, musique épique digne d’un grand film hollywoodien, bande son de l’émerveillement quotidien de la vie, dont les trois mouvements sont joués entre les éléments ludiques et pour lequel il accompagne lui-même l’OPL sous le très enthousiaste Duncan Ward, jeune chef du jour. Qui fait la même preuve de patience que les musiciens, ne se laissant pas déconcentrer par le brouhaha ambiant, entre les cliquetis des stylos apportés, le bruissement des sachets et les discussions entre les enfants. Après 90 minutes, les enfants sortent ébahis, enthousiastes pour la musique classique. Ils se promettent de revenir. Quand exactement a-t-on arrêté de courir, comme eux, par impatience de découvrir quelque chose de nouveau ?