Neuf filles et cinq garçons étaient les 8 et 9 octobre dernier, les quatorze jeunes danseurs du projet Dance 011 sur le thème du secret réalisé en collaboration par le Traffo-Carré Rotondes et le TAK Theater Liechtenstein. Rentrant l’un après l’autre sur une scène trempée et dans des vêtements et bottes dégoulinants d’eau, ils rejoignent les penderies suspendues et revêtent leurs habits de scène. À la manière de… ou en clin d’œil à Pina Bausch, ils se déshabillent en direct et prennent place progressivement en accaparant tranquillement l’espace.
Tous très différents physiquement et de tempérament, la cohésion du groupe est pourtant bien là, même si rapidement, les efforts surhumains que cet exercice scénique a pu représenter pour certains chez qui le rythme n’est pas naturel, est perceptible. Peu importe, l’essentiel ne réside pas dans la virtuosité – bien que parmi eux, certains ont de vrais talents d’acteurs, chanteurs ou danseurs. L’intérêt du projet réside dans le travail en commun pendant six mois de dix jeunes du Luxembourg et quatre du Liechtenstein, âgés de entre douze et 19 ans, sous la direction chorégraphique de Janni van Goor.
Leur jeu décalé et expressif sur une musique pop et la reprise a capella par la jeune troupe de White Winter Hymnal, premier single du groupe Fleet Foxes provenant de leur premier album éponyme, a emballé le public. Le choix de cette chanson a cette suavité rustique propre à nous faire prendre ces jeunes gens en petits bonshommes perdus dans la toile. Nach dem Regen (« après la pluie »), c’est aussi le titre d’un des tableaux de Goran Djurovic. Le groupe Fleet Foxes avaient choisi de reproduire un tableau de Bruegel et leur interprétation de ce chant pouvait les assimiler à des moines ou des paysans d’une autre époque.
Les références picturale et filmographique (Le ruban blanc de Michael Haneke) de cette création sont donc bien du XXIe siècle. Wim de Winne a élaboré la mise en scène axée sur la vie, celle-ci étant perçue comme le plus grand secret qu’il soit. Tableaux de groupe, solos, duos, travail à terre, chacun à son tour signe sa gestuelle.
L’une par une démarche, l’autre par un déhanchement, l’un par des pas de claquettes, l’une par le chant etc… la vie quoi… magnifiée par une grande fête lors de laquelle ils vont apprendre à se connaître et à se faire confiance après diverses péripéties. Et toujours le secret de la vie qui opère. Nathalie Moyen et Susana Beiro toutes deux assistantes danse respectivement pour le Luxembourg et le Liechstenstien auront formé les participants à l’économie du geste et à sa sobriété à partir de l’improvisation.
Développer une gestuelle propre, mettre en danse ses doutes, ses vulnérabilités, mais aussi sa joie, tel fut l’exercice qui leur a été exigé tout au long de l’expérience. Le fil est conducteur est la pensée de groupe et ce qu’il induit, la peur de paraître différent. Le groupe se mouvant dans une même direction montre des êtres réunis sans pour autant être unis, avec parfois quelque chose d’inquiétant, comme une multitude de secrets non-partagés ou de non-dits. Le sens aiguisé des danseurs, leurs émotions, le temps consacré à certaines de leurs pauses renvoient inévitablement à l’éventualité d’une influence nocive de la pensée de groupe.
Tour à tour drôles et contemplatifs, l’évocation des sévices qu’une société d’adultes peut commettre – comme dans le film Le ruban blanc – avec en arrière-plan l’inventaire des caprices et des châtiments perpétrés par des fous d’autorité, fous d’ordre, de censure n’est jamais très loin et donne toute sa profondeur à ce cinquième projet Dance.