Alors qu’il se battait pour se faire attribuer l’extension .amazon, le magasin en ligne Amazon a dû s’incliner cette semaine devant le Brésil et d’autres pays d’Amérique du Sud. Lors d’une réunion du Comité consultatif gouvernemental de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), l’autorité internationale qui gère les extensions de premier niveau et les règles relatives aux noms de domaine sur le web, à Durban, celui-ci a cédé à la demande de ces pays et a recommandé que l’Icann refuse d’attribuer l’extension .amazon à la plus grande boutique du web. Quelque 70 pays participaient aux discussions de Durban. Il est dès lors pratiquement acquis que le Brésil, le Pérou, l’Argentine et l’Uruguay et d’autres pays auront gain de cause – la décision de l’Icann est attendue dans les soixante jours.
Bien qu’Amazon ait des arguments convaincants à faire valoir, c’est celui de l’importance culturelle que revêt le nom du fleuve et de la forêt qu’il baigne pour les pays riverains qui l’a emporté. Adoptant un ton conciliant, le représentant du Brésil a déclaré : « Nous comprenons le modèle d’affaires. Aucune des deux parties ne suggère que l’autre est de mauvaise foi ». Mais il fait valoir que la signification culturelle du nom pour huit pays latino-américains rendait nécessaire un refus de la demande d’Amazon « dans l’intérêt public » et qu’inversement, son acceptation entraînerait « une lacune dans la protection des noms géographiques et culturels des pays » de la région.
Juste avant cette réunion, une autre entreprise au nom tiré de la géographie, Patagonia, qui produit et commercialise des articles de sport, avait retiré sa candidature à l’extension .patagonia, vraisemblablement parce qu’elle estimait qu’elle n’avait plus la moindre chance d’aboutir après que l’agence étatsunienne NTIA (National Telecommunications and Information Administration) eut annoncé que lors de disputes sur des noms géographiques, elle adopterait une ligne de neutralité.
Lorsque l’Icann avait décidé, à la suite de longues discussions qui se sont ache-vées en 2011, d’autoriser une longue série de nouveaux noms de domaine de premier niveau, dits new gtld (generic top level domains), les conflits sur certains noms génériques ou géographiques étaient prévisibles, et le Comité consultatif de l’Icann, le GAC, n’est vraisemblablement pas au bout de ses peines.
Si Amazon a essuyé une défaite sur son propre nom, il lui reste toute une série de nouvelles extensions à défendre au sein des instances de l’Icann. La première boutique en ligne s’est en effet portée candidate à un total de 76 nouveaux noms de domaine de premier niveau, dont le très convoité .book pour lequel neuf candidats se sont portés acquéreurs. Parmi les autres noms de domaine visés par Amazon figurent .silk, .talk, .news, .read, .song et .wow.
Au total, l’Icann a un peu moins de 2 000 candidatures à ces nouvelles exten-sions à traiter. Elle a choisi de le faire par lots de 500. L’extension la plus convoi-tée n’est pas .sex, mais .app, que pas moins de treize candidats souhaitent s’approprier dont Amazon et Google. Ce dernier souhaite s’approprier l’extension .baby.
À ce stade, difficile d’évaluer ce qu’apporteront en pratique ces nouvelles exten-sions. Alors que certaines entreprises ont vraisemblablement des projets de marketing précis liés à l’acquisition de ces noms de domaine, la présence d’un grand nombre d’organisations spécialisées dans la gestion de noms de domaine parmi les candidats suggère que c’est aussi une vaste spéculation « immobilière » qui est en train de s’organiser autour de l’Icann, alors qu’émergent dans le sillage de cette spéculation des candidatures défensives destinées avant tout à éviter que des cybersquatters ne s’emparent d’extensions potentiellement stratégiques. De nombreuses villes sont sur les rangs pour faire enregistrer leur nom, nous verrons donc sous peu (en principe d’ici la fin de l’année) les extensions .berlin,.nyc ou .paris.