L’intérêt des investisseurs spécialisés en haute technologie pour la devise virtuelle Bitcoin s’amplifie, comme l’a montré une réunion, BitCoinLondon, qui s’est tenue dans la capitale britannique cette semaine. Non que ces investisseurs aient d’un coup de baguette magique saisi les complexités insondables et balayé les incertitudes considérables qui caractérisent Bitcoin. Le sentiment diffus qui entretient cet intéret se nourrit à la fois de l’insatisfaction à l’égard du système financier et monétaire dominant, elle-même amplifiée par la crise économique, et de l’attraction pour ce qui pourrait devenir le centre d’un nouveau boom de la Silicon Valley.
Pour ceux qui veulent suivre de plus près l’actualité de la devise virtuelle cryptée, il existe désormais une agence en ligne, Coindesk, qui affiche notamment le cours du Bitcoin en temps réel en dollars, livres et euros (67,50 euros ce 3 juillet).
De nombreuses start-ups émergent ces temps-ci autour des bitcoins, suggérant l’avénement d’un écosystème touffu qui entend participer d’une façon ou d’une autre à ces circuits monétaires alternatifs naissants. Leurs modèles d’affaires sont des plus variés, s’inspirant souvent des activités de la sphère financière traditionnelle pour les reproduire dans ce contexte virtuel. Les investisseurs présents à la conférence de Londres, y compris le fondateur de Coindesk, reconnaissent volontiers n’avoir « aucune no-tion » quant à Bitcoin. L’incertitude réglementaire reste entière. Les participants ont pointé du doigt les obstacles qui commencent à se mettre en place au déploiement de la monnaie virtuelle aux États-Unis, qu’ils opposent à une approche perçue comme plus mesurée en Europe.
Une lettre « cease and desist » envoyée à la Bitcoin Foundation par le régulateur financier de la Californie, qui lui reproche de se livrer au transfert d’argent sans y être autorisée (une accusation dénuée de tout fondement) est l’exemple de cette approche plus que méfiante des autorités monétaires étatsuniennes. La Banque centrale européenne estime quant à elle que les Bitcoins ne sont pas une monnaie et qu’il n’y a pas lieu pour l’instant de réglementer son usage. Il faut dire que par leur nature – ils peuvent être considérés comme monnaie, mais aussi comme catégorie d’actif, comme simple moyen de paiement, comme étalon sécurisé pour les échanges de pair à pair – les Bitcoins échappent quelque peu aux définitions habituelles. En particulier, leur caractère décentralisé se heurte de front aux axiomes du « battre monnaie », qui supposent une autorité centrale reconnue assumant cet apanage de la souveraineté.
Comme les États, notamment européens, ont beaucoup de mal ces temps-ci à rétablir la confiance de leurs citoyens dans les structures monétaires et financières, les bitcoins exercent une certaine fascination sur ceux qui recherchent des alter-natives. Lors de la conférence de Londres, un économiste islandais, Sveinn Valfells, a lancé l’idée audacieuse que son pays l’adopte comme monnaie. Il a fait valoir que l’Islande n’a toujours pas réussi à stabiliser son système financier depuis la crise de 2008 et que la monnaie virtuelle, pour peu qu’elle perde un peu de sa volatilité, permettrait à son pays de relancer ses structures financières sur des bases plus saines. Vallfels a assuré aux participants de la conférence de Londres que les systèmes financiers mondiaux passeraient aux bitcoins en moins de deux décennies.
Même si d’autres devises virtuelles peuvent encore s’imposer, il faut reconnaître que la « crypto-monnaie » créée dès 2008 bénéficie d’une longueur d’avance. Les financiers qui s’intéressent aux bitcoins peuvent simplement diversifier leur portefeuille en en acquérant comme placement, de même qu’ils peuvent investir dans des start-ups qui entendent profiter de l’engouement qu’ils suscitent. Comme dans le cas des frères Vinklevoss, investisseurs-vedettes de la Silicon Valley, qui se sont fait remarquer en investissant 20 millions de dollars dans un fonds, Bitcoin Trust, qui placera ses actifs dans les bitcoins et sera lui-même coté en bourse suivant le modèle de l’exchange-traded fund (ETF).