Qui gobera l’argument « je n’ai rien à cacher, donc peu me chaut cette surveillance », entendu sous diverses déclinaisons après les révélations d’Edward Snowden sur l’accès généralisé des services de renseignement américains aux serveurs des grands acteurs du Net et des télécommunications ? Assurément, il faut être ou très naïf ou parfaitement inconscient des risques de dérive totalitaire pour accepter sans sourciller le principe de cette surveillance illégale à grande échelle. Alors que l’administration américaine se prépare à demander l’extradition du lanceur d’alerte, des magazines spécialisés ont récapitulé les moyens dont disposent les citoyens pour se mettre à l’abri des grandes oreilles des gouvernements et préserver leur vie privée des fonctionnaires indiscrets. Il apparaît que tant l’internaute que l’utilisateur de télécommunications disposent de moyens pour mettre leur vie privée à l’abri. Le hic, c’est que la plupart de ces moyens requièrent soit un minimum de connaissances techniques soit un renoncement, au moins partiel, aux avantages de la vie « branchée ».
Est-il bien raisonnable, après les révélations d’Edward Snowden, de continuer de se servir de son portable ? On sait que la NSA a accès aux données de communications de l’opérateur Verizon, mais on se doute qu’il en va de même pour celles des autres, et que cette surveillance ne s’arrête pas aux frontières des États-Unis.
Nos correspondances par email sont-elles à l’abri ? Probablement pas. Qu’en est-il de Skype, Whatsapp, Blackberry Messenger et autres plateformes ? Va-t-on découvrir, au fil des révélations, qu’aucun pan de notre vie en ligne n’échappe à cette surveillance ? Pour ceux qui sont disposés à envisager de modifier leurs usages, voici quelques conseils, qui ne prennent bien entendu tout leur sens que si ces solutions alternatives sont adoptées de part et d’autre de la communication.
Pour les téléphones, il existe la possibilité d’adopter des « burners », c’est-à-dire des téléphones bon marché contenant des cartes SIM prépayées, que l’on jette une fois le crédit épuisé. Il peut sembler osé de conseiller de recourir à cette méthode rendue fameuse par les trafiquants de drogue de la série The Wire, il n’en reste pas moins que face à l’ampleur de l’attaque de la NSA contre les libertés individuelles, l’inconvénient de devoir périodiquement informer ses principaux correspondants de son nouveau numéro paraît mineur par rapport à celui de consentir par son inertie à cette surveillance généralisée.
Pour le courrier électronique, la solution est d’adopter Tor, un navigateur conçu pour faire transiter les correspondances par un réseau de tunnels virtuels réputé inviolable. Pour rajouter une couche de protection, on peut adopter une messagerie cryptée telle que Hushmail, Bitmessage ou Riseup. Pour la messagerie instantanée, il existe aussi des logiciels comme OTR (Off the Record) qui encryptent les échanges, mais Wired prévient ses lecteurs que mieux vaut être un informaticien chevronné pour parvenir à les faire fonctionner.
Pour être vraiment à l’abri, il faut aller plus loin et envisager de renoncer aux systèmes d’exploitation de Microsoft ou Apple et adopter Linux, ce qui pour la vaste majorité des internautes n’est pas un mince défi. Faut-il aussi cesser de se servir des réseaux sociaux, de Facebook à Google+ en passant par Twitter, Tumblr ou Instagram ? Certes, tout ou presque y est public, mais si l’on en croit le site prism-break.org (« Cessez de rendre compte de vos activités en ligne au gouvernement américain »), il est plus prudent de migrer vers Diaspora, Friendica, GNU Social ou pump.io, qui proposent des solutions open source et/ou distribuées.
Wired recommande aussi de systématiquement surfer en utilisant le protocole https, plutôt que http, à l’aide d’un plug-in appelé HTTPS Everywhere proposé par l’Electronic Frontier Foundation. On peut aussi assumer une fausse identité pour toutes ses communications en ligne. Ces solutions ont en commun d’être plus ou moins ardues à mettre en place et d’aller résolument à contre-courant de la tendance à s’exhiber en ligne sans réserve. Mais leur existence rassure face à la mise en coupe réglée et à la militarisation rampante du Net.