Lorsque le nord-ouest des États-Unis s’est trouvé baigné ces derniers jours dans une fumée âcre provenant des centaines d’incendies de forêts hors de contrôle au Canada, le réflexe de certains tabloïds américains a été d’incriminer le pays voisin. De la démagogie de bas étage, certes, mais de si mauvaise foi qu’elle n’avait guère de chance de tromper quiconque. Certains élus républicains abonnés à l’anti-wokisme n’ont pas résisté pour autant à la tentation de profiter de cette situation pour alimenter la haine anti-trans qui est devenu leur fonds de commerce : « Quelqu’un peut-il demander à Justin Trudeau le pronom qu’il faut utiliser pour les feux de forêts ? Je voudrais qu’ils cessent de polluer notre air, mais je ne voudrais pas de plainte des ressources humaines », a raillé le représentant du Wisconsin Derrick Van Orden. Dans la même veine, son collègue Tom Tiffany a avancé que l’attention accordée par le premier ministre canadien au Mois des Fiertés l’empêchait de lutter efficacement contre les incendies.
Cette approche présente toutefois l’inconvénient, pour cette partie de la droite dure qui tient à nier jusqu’à l’existence de la crise climatique, de suggérer que cette fumée pourrait représenter une gêne et donc refléter une aggravation de la crise. Fidèle à sa ligne écocidaire, Fox News a donc enfourché un autre cheval. Elle a interviewé des « experts » qui ont rassuré les téléspectateurs : nul besoin de s’inquiéter, les particules fines ne sont pas nocives, inutile de porter un masque pour sortir. D’une pierre deux coups : puisque la fumée n’est pas dangereuse, il n’est pas nécessaire de se préoccuper de supposées conséquences néfastes pour la santé de quelque chose qui, de toute façon, relève d’un culte écolo-communiste. Steven Milloy, un lobbyiste du Heartland Institute qui autrefois minimisait les risques du tabagisme et propage aujourd’hui le discours de déni des compagnies pétrolières, a récusé sur Fox tout lien entre les feux et le réchauffement.
Durant la pandémie, Fox News avait minimisé les risques du Covid et vitupéré contre les mesures sanitaires. Si cette ligne avait une chance de duper les inconditionnels de la chaîne, on se demande comment elle espère convaincre ceux parmi eux qui sont asphyxiés par l’épais brouillard orangé venu du nord de son innocuité. Les années Trump nous avaient habitués aux « faits alternatifs ». Désormais, ceux-ci s’affranchissent même des perceptions sensorielles de ceux que l’on entend mener en bateau : un seuil de plus franchi dans l’escalade de l’infox orwellienne.
Les feux de forêts ont déjà brûlé 50 000 kilomètres carrés au Canada cette année, alors que l’été n’a même pas commencé : davantage que la surface victime des flammes sur l’ensemble des années 2016, 2019, 2020 et 2022. Face à une situation qui empire, la surenchère et la polarisation passent, outre-Atlantique, par la haine crasse et l’ignorance délibérée.