Tandis que des milliards vont à des ajustements à la marge censés mitiger le péril climatique, ceux qui ont compris que ces efforts sont par nature insuffisants et entendent le faire savoir tirent le diable par la queue. Extinction Rebellion, Just Stop Oil, Scientist Rebellion, Letzte Generation, Soulèvements de la Terre, ces organisations qui tentent d’alerter l’opinion sur l’acuité de la crise par le biais d’actes de désobéissance civile, sont désespérément démunies. Elles visent des cibles à forte intensité carbone telles que l’aviation de luxe, les autoroutes ou les oléoducs, ou à forte visibilité médiatique comme de grands événements sportifs ou des œuvres d’art universellement connues. Mais, nouvelles venues, souvent contraintes par la répression à adopter un profil bas et à rester décentralisées, il arrive qu’elles soient si pauvres qu’elles doivent demander à leurs membres d’utiliser leur carte de crédit personnelle pour assumer les dépenses liées à la préparation de leurs actions, sans parler des frais d’avocats auxquels ils sont fréquemment confrontés lorsqu’ils se font arrêter.
Un fonds spécial qui a vu le jour en 2019 dans les milieux de Hollywood, le Climate Emergency Fund (CEF), s’efforce de changer la donne sur ce front. Le fonds a été créé par Rory Kennedy, une réalisatrice de documentaires, et a bénéficié d’un financement initial de l’activiste et héritière de Getty Oil Aileen Getty. L’an dernier, a rapporté Bloomberg, l’organisation a distribué 5,2 millions de dollars à 44 organisations activistes, dont de nombreux groupes de jeunes « grassroots ».
Lors de la création de CEF, une vente aux enchères d’objets appartenant à Adam McKay, réalisateur du film Don’t look up!, allégorie de l’aveuglement politico-médiatique qui bloque toute action significative contre la crise climatique, avait été organisée. En septembre, McKay a promis quatre millions de dollars à CEF. McKay, qui a aussi réalisé The Big Short et coproduit la série Succession diffusée par HBO, ne mâche pas ses mots. Dans une tribune publiée il y a quelques jours sur Jacobin, il réclame que l’urgence climatique soit enfin officiellement reconnue. « Les salades de mots, les gestes incrémentaux, le bourrage de mou pur et simple, et surtout, l’affirmation qu’il n’y a pas de problème, inondent tous les jours les discours publics », se lamente-t-il. Parmi les quelque 2 000 donateurs qui ont financé CEF l’an dernier figurent Abigail Disney, héritière de l’empire Disney, et Jeremy Strong, une des stars de la série Succession.
Face aux défenseurs du statu quo prêts à entraîner avec eux dans l’abîme l’ensemble des êtres vivants, les arguties sur le caractère productif ou contreproductif des différentes actions de désobéissance civile n’ont plus lieu d’être. L’argent que des initiatives telles que le Climate Emergency Fund sont susceptibles de rassembler pour soutenir les jeunes qui ne veulent plus se payer de mots et sont prêts à affronter une répression de plus en plus féroce est plus que bienvenu.