Madame Katerina et Monsieur Charalampos sont des intellectuels de Thessalonique : lui journaliste, elle professeure des Universités en économie, tous deux à la retraite. Nous nous rencontrons près de chez eux, devant la mer, pour un entretien. Ils descendent à la mer toujours avec leurs chaises : « Elles nous rappellent qu’il faut garder le dos droit et la tête haute », précisent-ils d’entrée de jeu.
L’affaire Varoufakis Toute la discussion tourne autour de l’enregistrement sonore rendu public avec son accord et pendant lequel l’ancien ministre des Finances grec dévoile son plan B – plan qui a été interprété comme un « hack » des logiciels de l’État grec par les grands médias privés ainsi que par l’opposition. Madame Katerina explique : « L’enregistrement provient d’une réunion de l’Omfif (Official Monetary and Financial Institutions Forum) pendant laquelle Yanis Varoufakis se réfère à l’équipe qui, depuis décembre 2014, travaillait à un plan B en cas de désaccord. Plan qui n’avait pas pour objectif le retour à la drachme mais la création d’un mécanisme transitoire de monnaie parallèle qui ne fonctionnerait qu’en cas d’urgence »1. En cas de fermeture des banques, ce système prévoyait donc l’utilisation du logiciel Taxis – que l’État grec utilise déjà – pour le crédit automatique de comptes d’entreprises, ou encore pour le paiement d’administrations publiques. En guise d’exemple, il se réfère, au paiement direct à travers ce logiciel de compagnies pharmaceutiques afin qu’il n’y ait pas de problème d’approvisionnement des hôpitaux (comme c’est le cas actuellement). Madame Katerina de continuer, « le projet avançait jusqu’au moment où l’un des collaborateurs de Varoufakis découvre que ce logiciel, géré par le Secrétariat général des recettes de l’État grec, est en réalité exclusivement et totalement contrôlé par la Troïka. Ce qui signifie que toute entrée dans le logiciel influencerait les négociations. Il fallait donc trouver une manière discrète de faire aboutir le plan B sans nuire aux pourparlers : c’est dans ce cadre que la décision de copier le logiciel a été prise ». Telle n’est évidemment pas la version des médias grecs qui accusent Varoufakis de traitre et soutiennent l’opposition qui veut mener l’affaire en justice.
Monsieur Charalampos prend alors la parole, il est outré : « Ceux qui ont imposé les plans d’austérité sans jamais consulter le peuple grec, qui ont fait disparaître la classe moyenne, fait baisser le PIB de 25 pour cent, qui ont mené le chômage aux sommets et qui ont obligé des milliers de jeunes à devenir des émigrants, qui, avec les « médias du système », ont soutenu avec fanatisme ces politiques et ont accusé d’extrémiste toute tentative de résistance aux dynasties politiques qui ont pillé le pays ; eux, donnent aujourd’hui des leçons d’éthique et appellent la justice à intervenir. Varoufakis a fait ce qu’imposaient les circonstances : se préparer pour le pire. Il a travaillé à un plan B dans le cas où le noyau dur de Schäuble prévalait et où le pays était mené hors zone Euro ». Devait-il se préparer à cela ? « Évidemment, il devait tout prévoir, c’était son rôle. La responsabilité finale reviendrait ensuite à Tsipras ».
Le choix de Tsipras Le Premier ministre a jugé que les résultats d’un désaccord avec les créanciers auraient des conséquences dramatiques et « il a opté pour l’option la moins catastrophique pour le peuple grec qu’il a choisi, dès le départ, plutôt que les créanciers et plutôt que son propre parti », continue Monsieur Charalampos qui a voté Syriza pour la première fois de sa vie en janvier 2015.
L’erreur de Varoufakis Pourquoi a-t-il rendu public ce plan ? « Ces choses se font, mais ne se disent pas. Il l’a fait en raison de son caractère, il a répondu à tous ceux qui lui reprochaient d’aller aux négociations sans plan B. Mais ce qui dérange réellement ce n’est ni le plan B, ni sa méthodologie, ni l’ego peut-être surdimensionnée de son auteur : ce qui dérange c’est qu’il a réussi a faire mondialement entendre notre petit pays qui ose dire ‘non’. Cela ne pouvait être accepté ni par Berlin, ni par l’opposition grecque, ni même par une grande partie de Syriza ». Et Madame Katerina de préciser : « Il est diffamé car, en réalité, l’enregistrement dévoile le niveau – total – auquel la Troïka contrôle les mécanismes nationaux grecs ». Ingérence autorisée et mise en place par les gouvernements précédents.