Max Hochmuth est un pré-trentenaire dans le vent. Il arrive en ville en discutant avec tous ceux qu’il croise, à l’aise. Premier constat assez flagrant : de visu, il a tout pour plaire, mais surtout pour rallier à sa cause, son business décalé sur le marché audiovisuel luxembourgeois. Alors, un, il a un sourire ravageur, avec lequel, il sait persuader les plus frileux pour les embarquer avec lui dans ses aventures semées de création, de délires et de succès ; deux, un regard-bleu-bien-décidé et une barbe conforme à la mode, tout comme il faut ; et trois, beaucoup de capacité d’adaptation et de volonté. Il ne manque plus que le bonnet sur le sommet de la tête. Non pas qu’il cumule les clichés, en cultivant un look de hipster, mais en le voyant au contact avec la scène luxembourgeoise (les DJ, les serveurs de café, les artistes et tous les autres artisans actuels de la culture luxembourgeoise), il incarne le symbole actuel d’une sorte de rêve luxembourgeois, oserait-on dire. Mais lui ne rêve de rien en particulier, surtout pas de symboles de statut social, pas de Porsche pour lui, oh non – et ce qui lui semble essentiel, c’est de vivre toujours dans un espace de liberté dans le contexte de son métier de créatif et de sa passion, la musique. Ainsi, Max navigue entre l’audiovisuel, notamment sa nouvelle boîte, Moast, et son projet de groupe rock, Mother Heroin, qui investira la scène du festival Rock-a-field fin juillet. Mais son rythme est loin d’être celui d’une croisière. Il fonce et anime mille projets à tout-va.
« Je suis luxembourgeois, mais je pourrais très bien être d’une autre nationalité, je m’entends avec tout le monde, parce que j’aime les gens, j’aime les observer, échanger avec eux », lance-t-il souriant, aimable et bien concentré. D’ailleurs à l’âge de neuf ans, il est parti vivre à Paris avec sa famille, dont il n’évoquera que son père (assez fréquemment et avec une certaine pointe de fierté), un self-made man, qui depuis le début, lui a donné des fondements, un soutien sans faille et l’exemple de bosseur. Cinq ans de vie parisienne dans un autre contexte scolaire ont, semble-t-il permis à Max, d’acquérir une grande flexibilité d’esprit. Dès lors, toutes les portes lui étaient ouvertes. Aucune limite. Il est ravi de ne pas être de ceux qui se perdent à leurs limites, Max, lui, utilise toutes les opportunités pour apprendre et s’adapter. Il est franchement courageux, ne rechigne pas devant les difficultés de monter sa propre boîte, bien qu’avec l’aide de son père, il l’avoue. « Parce qu’au Luxembourg ce n’est pas évident d’être entreprenant, les démarches pour se lancer ne sont pas tout à fait simples, quand on n’est pas encadré, on peut vite se décourager. »
Il a vite quitté l’ecole, n’a pas voulu pousser jusqu’au bac. « On m’en a presque voulu, à l’époque, certains de mes amis, par exemple, parce que beaucoup de gens ici, finalement, sont très conservateurs, dans leur façon d’appréhender la vie, la réussite. T’es arrivé quand t’es fonctionnaire ! Et ça, moi, j’ai pas pu, j’ai voulu faire autre chose, ne pas m’enfermer dans un carcan. J’ai appris moi-même, seul, mon métier, gérer des gens, avoir des idées, les définir et les mettre en mouvement... Et puis la musique ! » Max a suivi une formation d’ingénieur du son à Cologne, où il a pu réunir la technique qui le subjuguait et le son, qui l’habite depuis toujours, tout simplement. Il écoute du vieux rock, en ce moment, un peu plus du Black Sabbath, histoire de s’en imprégner. Et lorsqu’il s’agit de s’imprégner, il le permet, il n’a pas de préjugés, c’est d’ailleurs ce point-là qui lui apporte un certain succès.
Son premier mentor, Jean Stock, personnalité audiovisuelle européenne, lui a permis d’apprendre les moindres détails du métier, dans un contexte international. Au montage de Luxe.TV, en 2006, cet homme lui a donné l’opportunité de diriger une équipe de 45 personnes ; après cette expérience personnelle et professionnelle, somme toute concluante, il peut se lancer avec aisance dans des projets audiovisuels insolites pour l’époque, Eveant avec son pote Fred Neuen et aujourd’hui, Moast – dont le nom ne veut strictement rien dire et qu’on prononce comme on veut. « C’est un studio créatif, on produit des émissions, on développe des campagnes de pubs, des identités graphiques, du digital design et on fait du consulting. On est à quinze, avec des gens comme Rick Tonnizzo ou Pol Arlé. D’un point de vue médiatique, ce qui est marquant pour nous en ce moment, c’est Prime-Time sur RTL que nous réalisons et produisons. » Un produit parodique, en deux temps, trois mouvements, d’à peu près tout ce qui se fait d’un point de vue audiovisuel actuellement : de Top Chef a la saga Twighlight, tout est revisité dans un humour luxembourgeois bien balancé, un tantinet gras, par Gabriel Boisanté et Max lui-même.
Bien sûr, cet homme polyactif a un avis sur ce qui se passe sur l’actuel marché de l’audiovisuel au grand-duché. D’après lui, la dernière sitcom luxembourgeoise, Comeback, était loin d’être mauvaise, mais ce qui l’agace, c’est le fait d’être trop impatient : « On devrait égaler les sitcom américaines ! N’importe quoi, nos budgets ne sont pas les mêmes et l’histoire de notre télé n’est pas la même non plus. Il ne faut pas tout encenser, mais il faut du temps pour développer ». La critique y contribue aussi.
À l’écoute d’une récente intervention médiatique, intitulée « Advice to the young » de l’icône punk rock, Patti Smith, Max réfléchit à l’avenir, à ce que nous allons devenir avec les nouvelles technologies et se dit, sans doute à juste titre, que tout vient de l’enseignement, et que ce sont nos écoles qui doivent vite s’adapter et que surtout, il faut, très rapidement proposer des cours systématiques, intégrés d’éducation aux médias, histoire de ne pas perdre les pédales. Avec Moast, il intervient aussi dans des musées ou des centres culturels pour éclairer à sa manière, par le biais de workshops, les connaissances pratiques des plus jeunes. Il se rend compte que montrer et expliquer est essentiel.
Alors voilà, Max mène son bateau comme un sorte de capitaine, entouré d’un solide équipage et il prend les vents exactement comme ils viennent. Ainsi, pas à pas, il se construit lui-même tout en marquant un virage dans le contexte audiovisuel luxembourgeois.