En quelques semaines, Joe Biden a réussi à dilapider le crédit gagné auprès des défenseurs du climat grâce à l’Inflation Reduction Act (IRA). Cet ambitieux paquet législatif promulgué l’été dernier en faveur des énergies renouvelables et des voitures électriques, a été arraché de haute lutte aux lobbies des énergies fossiles qui colonisent le Capitole. Premier coup de canif à son engagement, il a approuvé le 13 mars l’énorme projet de forage Willow, dans le nord de l’Alaska, dont le promoteur, ConocoPhilips, compte extraire au total quelque 600 millions de barils de pétrole. Puis, le 29 mars, son administration annonce avoir mis aux enchères des lots de forage pétrolier dans le Golfe du Mexique, dits « lease 259 », sur une étendue d’environ 300 000 km2. 32 compagnies, Chevron en tête, ont misé plus de 300 millions de dollars pour mettre la main sur ces lots, dont la grande majorité se trouve en eau profonde. Lease 259 est réputé représenter un potentiel d’un milliard de barils.
Les arguments avancés en faveur de ces projets climaticides sont tout sauf convaincants. Joe Biden a assuré qu’il aurait voulu s’opposer à Willow mais que ses conseillers juridiques l’en avaient dissuadé en faisant valoir que ConocoPhilips porterait plainte pour rupture de contrat et serait en bonne position pour l’emporter en justice. Dans le cas du Golfe du Mexique, la justification invoquée se trouve dans l’IRA, qui, pour amadouer Joe Manchin, sénateur démocrate de Virginie occidentale, soutien indéfectible du charbon dont l’appui était indispensable en 2022 pour faire passer des lois, prévoit la mise aux enchères de lots d’extraction en Alaska et dans le Golfe. La Maison Blanche a aussi mis en avant la situation nouvelle en matière énergétique résultant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Avec ces deux décisions, les États-Unis renient purement et simplement leurs engagements climatiques. Les activistes n’en reviennent pas et mettent en cause directement le président. « Si cela continue, tout ce que Biden a fait de bien en faveur de l’avenir sera défait par Biden lui-même », a résumé Ben Jealous, le directeur du Sierra Club, qui voit dans ses récents choix un « demi-tour désastreux sur le climat». Le total des volumes d’extraction projetés par Aramco (Arabie saoudite), Adnoc (Emirats) et les majors occidentales au cours des prochaines décennies se chiffre en dizaines de milliards de barils, bien plus donc que ceux mis en route par Biden le mois dernier. Le signal envoyé par la Maison Blanche n’en est pas moins catastrophique. En piétinant ses propres promesses (Biden s’était engagé durant sa campagne à ne plus autoriser de forage sur les domaines fédéraux), la première puissance économique et militaire du globe met à mal le faible levier grâce auquel elle pouvait espérer modérer les ardeurs extractives des pétrocraties et majors.