Orphelines jusqu’ici des pourparlers internationaux sur l’environnement, les zones de haute mer pourraient faire l’objet d’ici quelques années d’un traité international de protection. La présidente singapourienne d’une conférence ad-hoc, Rena Lee, a annoncé samedi 4 mars qu’un round de discussions menées au siège des Nations Unies à New York avait permis de boucler un texte. Celui-ci doit encore être traduit dans les six langues officielles de l’organisation avant d’être publié, pour être ensuite ratifié par les États membres et mis en œuvre lors de futures COP. Malgré ces obstacles, plusieurs ONG influentes ont célébré cette annonce comme une avancée « historique », tant les eaux internationales, qui couvrent les deux tiers de la surface du globe, étaient à ce jour les laissées pour compte des efforts multilatéraux de préservation. Ainsi, la conférence de Montréal sur la biodiversité, en décembre dernier, s’était conclue sur un texte qui mentionnait à peine les océans, alors que ceux-ci constituent un substrat essentiel de la biosphère, et que les menaces à leur encontre (pêche prédatrice, exploitation des ressources biologiques, acidification, réchauffement, perte d’oxygène, notamment) sont énormes.
Le futur traité, consacré à la « biodiversité au-delà des juridictions nationales » et connu sous son acronyme anglais BBNJ, est censé aboutir à ce que trente pour cent des eaux internationales soient protégées d’ici 2030, un objectif résumé par la formule 30x30. Le mécanisme retenu est celui d’une proclamation de zones de protection à la majorité des membres. Hervé Berville, secrétaire d’État français chargé de la mer, a indiqué à Libération que le texte adopté prévoit aussi l’obligation pour les États d’évaluer les conséquences environnementales de toute nouvelle activité en haute mer, ainsi que le partage des bénéfices issus de l’exploitation du matériel génétique d’origine végétale, animale ou microbienne qui y sera collecté.
Premier bémol, les fonds marins, qui attisent les appétits industriels en raison des ressources minières qu’ils contiennent et dont l’exploitation peut être hautement destructrice, sont exclus de ce traité et font l’objet de tractations au sein d’une entité distincte, l’Autorité internationale des fonds marins.
Autre difficulté : davantage encore en mer qu’à terre, il ne suffit pas de déclarer qu’une zone marine soit protégée pour qu’elle soit effectivement à l’abri. Il faut que les navires, quel que soit leur pavillon, soient empêchés, sous peine de poursuites, d’y déverser des déchets et les chalutiers d’y pratiquer la pêche en eau profonde, entre autres pratiques problématiques.
Les moyens concrets déployés pour imposer le respect des ambitions du traité sont donc primordiaux. Par ailleurs, le processus de ratification peut prendre plusieurs années, alors que le temps presse. Reste qu’en reconnaissant enfin que la haute mer est un « héritage commun de l’humanité » et non une zone de non-droit, la communauté internationale s’est enfin donné les moyens de limiter sa dégradation et d’articuler sa préservation avec ses autres efforts d’action climatique.