Il n’y a pas que Lützerath, le village rasé par les bulldozers le mois dernier pour permettre l’extraction de lignite, qui empoisonne les relations entre libéraux et Verts outre-Moselle : la question de la mobilité contribue elle aussi à aggraver les tensions au sein de la coalition dirigée par le socialdémocrate Olaf Scholz. Loin de mitiger leur délire digne des trente glorieuses, les libéraux viennent d’en rajouter une couche en réclamant la construction accélérée de centaines de kilomètres de nouvelles autoroutes. En affirmant le plus sérieusement du monde, comme si cela allait de soi, que cela réduirait les émissions de CO2 parce que cela limiterait les bouchons. Un non-sens absolu : On sait depuis belle lurette, et sans l’ombre d’un doute, que construire de nouvelles routes génère davantage de trafic et donc davantage d’émissions.
Mais Volker Wissing, le ministre FDP des transports, ne s’encombre pas de ces détails. Avec son collègue Christian Lindner, préposé aux finances fédérales, qui s’est engagé à ses côtés dans cette croisade inconditionnelle pour une supposée « liberté automobile », il s’oppose catégoriquement à ce que l’Allemagne limite la vitesse sur les autoroutes. Une étude du Bureau fédéral de l’environnement vient pourtant de calculer qu’une limitation à 120 km/h permettrait d’éviter 6,7 millions de tonnes de CO2 par an, alors que l’on misait jusqu’à présent sur 2,6 millions de tonnes. Cette nouvelle estimation tient compte, entre autres, du fait qu’une telle limitation aurait pour effet d’induire des trajets plus courts sur des itinéraires non autoroutiers.
Les libéraux ne veulent rien savoir. Wissing continue de prêcher que « rouler en voiture signifie liberté, flexibilité et sphère privée », bien dans la lignée du célèbre slogan « Freie Fahrt für freie Bürger » lancé en 1974 par le lobby automobile ADAC contre les essais d’une limitation à 100 km/h lancés en réponse à la crise pétrolière. Avec détermination, il a retardé la mise en place d’un ticket universel de transport à 49 euros par mois, testé à la suite de la flambée du prix des hydrocarbures l’an dernier et en faveur duquel existe un consensus clair au sein de la société allemande.
La suggestion de Wissing de simplifier les procédures d’autorisation pour de nouvelles autoroutes ressemble à une provocation mais pourrait bien être motivée par la crainte que les procédures actuelles, combinées aux actions de plus en plus déterminées des défenseurs du climat, n’aboutissent à une interruption de facto des mises en chantier. Pour l’heure, les Verts ont réagi de manière mesurée – sans doute s’agit-il pour eux de ne pas brûler les ponts avec leurs partenaires. Ce faisant, ils creusent le fossé qui les sépare désormais du mouvement pour le climat. Luisa Neubauer, de Fridays for Future, ne cache plus sa colère contre ceux sur lesquels elle et ses amis comptaient pour infléchir les choix de la République fédérale en matière climatique.