La fuite en avant des stations de ski pour maintenir leur activité malgré l’absence de neige s’intensifie en cet hiver 2023 historiquement doux. Un peu partout dans l’arc alpin, il s’agit aujourd’hui pour elles de produire par tous les moyens d’étroits chenaux entre la partie haute de leurs domaines skiables et les lieux de villégiature des touristes, entourés de pentes dénuées de la moindre trace de blanc. Le pompon revient sans doute à Gstaad, dans l’Oberland bernois, dont la société des remontées mécaniques a fait acheminer la précieuse poudre blanche par hélicoptère fin décembre pour tenter de garder ouverte une jonction entre les domaines Zweisimmen et Saanenmöser. Lorsque cette tentative a échoué, les inventifs Bernois ont recouru à un bricolage, soudant la pelle basculante d’un tracteur à une dameuse pour établir la passerelle. Une solution qui a marché quelques jours, mais qui a fini, la semaine dernière, par s’avérer elle aussi insuffisante.
À quelques kilomètres de là, à Adelboden, où étaient programmées début janvier des épreuves de slalom et de slalom géant de la Coupe du monde, les organisateurs s’étaient préparés : dès le mois de décembre, ils produisaient de la neige en grandes quantités pour la stocker dans des dépôts. Une semaine avant les compétitions, ils utilisaient des drones pour mesurer la taille de ces stocks et ainsi prouver à la Fédération internationale de ski qu’ils auraient assez de neige. À grand renfort d’engins et de gros sel, utilisé, comme le raconte la Neue Zürcher Zeitung, à faibles doses pour durcir la neige, ils ont réussi à installer un ruban blanc menant jusqu’à la ligne d’arrivée, à 1 302 mètres d’altitude, et à y faire courir les champions aux combinaisons bardées de logos. « Est-ce là la nouvelle normalité ?», fait mine de s’interroger la NZZ.
Les recettes qui fonctionnaient encore un tant soit peu ces dernières années, dont les fameux canons à neige, commencent à montrer leurs limites. Le réchauffement prive désormais les massifs de températures suffisamment froides pour y fixer un manteau neigeux, même de culture. La sophistication absurde, souvent hautement énergivore et dommageable à l’environnement montagnard, à laquelle semblent être prêts à recourir élus et patrons des stations pour préserver leurs sources de revenu commence à se heurter à la prise de conscience des citoyens. Même si beaucoup d’entre eux préfèrent se voiler la face et continuer de profiter tant qu’ils le peuvent des plaisirs hivernaux qui ont rythmé leur enfance. S’agit-il de préserver les emplois menacés dans les stations ? En Bavière, certains pensent pouvoir justifier les émissions de CO2 occasionnées par l’enneigement artificiel par les centaines de kilomètres supplémentaires de route évités parce que les amateurs de ski des vallées ne doivent pas rejoindre des stations mieux enneigées. Quand la fameuse autruche enfonce sa tête dans un tas de neige artificielle...