Une inquiétante dérive s’est faite jour en Allemagne lorsque la police a arrêté un cercle de putschistes d’extrême-droite sur le point de passer à l’acte. De nombreuses personnalités de droite ont réagi en minimisant la portée de l’événement, l’attribuant à des « vieillards dérangés », et en profitant pour dénoncer, en une sidérante généralisation, ces « extrémistes » qui bloquent les routes pour exiger une action sérieuse en faveur du climat.
Comme si, entre les « Reichsbürger », ce groupe de nazillons armés qui entendaient prendre d’assaut le Bundestag, et les activistes de Letzte Generation, prêts à affronter l’ire des automobilistes au nom de leurs convictions, il s’agissait de s’affirmer au-dessus de la mêlée, souverainement équidistant.
Friedrich Merz, le dirigeant de la CDU, a ainsi mis sept jours pour réagir à l’arrestation des « Reichsbürger », dont il a minimisé le risque (« un danger sérieux pour notre sécurité, mais pas pour notre démocratie »), mais a enchaîné, à la faveur d’actions menées ce jour-là contre des militants de Letzte Generation : « Je tiens également à me féliciter expressément que des perquisitions aient eu lieu aujourd’hui contre de soi-disant ‘activistes climatiques’, qui se sont constamment collés à des routes ou des aéroports ». Et de s’emporter : « Cela aussi, ce sont des délits graves, là aussi l’État de droit doit montrer ses dents ».
Qualifier de « soi-disant activistes » des citoyens bouleversés à l’idée que le refus d’agir pour le climat ait pour conséquence prévisible des souffrances terribles pour des générations et puisse même déboucher sur un effondrement de la civilisation témoigne du positionnement de plus en plus écocidaire de la CDU. Hypocrisie et populisme éhonté se combinent, chez Friedrich Merz et son entourage, en une évolution inquiétante, au point que l’on peine de plus en plus à distinguer l’Union chrétienne-démocrate de l’AFD. Surtout que cette pique parfaitement déplacée contre des altruistes somme toute inoffensifs s’accompagne de commentaires amenuisant le risque posé par des nostalgiques du Troisième Reich armés, organisés et bien implantés au cœur de la société allemande.
Dans la même lignée, on a pu compter sur le journaliste « modéré » de service, au Presseclub de l’ARD, pour suggérer, au moment de commenter les arrestations de « Reichsbürger », qu’il faut aussi « prendre au sérieux les préoccupations des gens du côté droit » du spectre politique. Est-ce à dire qu’il faut une tentative de putsch organisée par des activistes qui réclament une sortie des énergies fossiles pour qu’on puisse envisager que leurs soucis soient pris au sérieux ?
La dérive droitière du camp chrétien-démocrate allemand, qui se traduit notamment par son refus de plus en plus ouvert de tenir compte de l’enjeu climatique, est une évolution regrettable. Elle devrait logiquement déboucher, à mesure que les impacts de la crise se feront sentir, sur une marginalisation accélérée des héritiers de Konrad Adenauer.