Davantage encore que les vols de ligne, l’aviation privée et d’affaires est incompatible avec un climat terrestre viable. C’est le message que plusieurs centaines d’activistes ont passé en bloquant les décollages de jets privés à l’aéroport de Schiphol, samedi 5 novembre. Après avoir cisaillé les grillages et envahi à pied ou à vélo la zone réservée à l’aviation générale du principal aéroport néerlandais, ils se sont assis autour des roues de plusieurs avions, certains s’y enchaînant. Le temps qu’ils se fassent arrêter, les militants de Greenpeace et d’Extinction Rebellion avaient réussi à paralyser l’ensemble du trafic des jets privés ce jour-là à Schiphol, sans impacter les vols commerciaux. En même temps, d’autres manifestaient dans le hall central de l’aérogare. Les activistes arrêtés ce jour-là, au nombre d’au moins deux cents, ont tous été rapidement libérés, a annoncé le lendemain la Koninklijke Marechaussee.
Loin de vitupérer contre ces empêcheurs de voler en rond, le CEO de l’aéroport, Ruud Sondag, a indiqué partager leur sentiment d’urgence et vouloir parler à Greenpeace, aux employés, syndicats et autres parties prenantes les jours suivants. « En tant que secteur aérien, nous devons tout faire pour devenir plus silencieux et plus propres. C’est mon point de vue. La tâche est immense, mais réalisable », a-t-il déclaré dans un communiqué. Plus combative, la fédération européenne de l’aviation d’affaires EBAA a affirmé que l’action avait empêché un vol médical avec un patient à bord d’atterrir, ce que l’autorité aéroportuaire a réfuté par la suite.
Quelques jours plus tard, des protestations visant également l’aviation d’affaires étaient organisées par Scientist Rebellion aux États-Unis, dans les États de New Jersey, Caroline du Nord, Californie et Washington, et dans d’autres pays, dont l’Italie.
Certes, les jets privés et d’affaires, la cible de ces actions, ne représentent qu’une fraction des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation, qui elle-même ne cause « que » de l’ordre d’un quarantième des émissions d’origine humaine, selon la plupart des estimations. Mais ils sont problématiques à cause de leur caractère éminemment luxueux et discrétionnaire. Peut-on sérieusement espérer convaincre les citoyens de réduire leur empreinte carbone tant que les personnes les plus fortunées sillonnent les cieux à leur bord sans avoir de compte à rendre à quiconque ? Extinction Rebellion décrit les vols en jet privé ou d’affaires comme « le summum de l’injustice climatique et des inégalités en matière d’émissions ».
Les avions visés lors de ces actions ont repris l’air peu après. Des militants plus radicaux considèrent que pour que de telles actions soient efficaces, elles doivent viser leur destruction pure et simple. Pour l’heure, ils restent isolés. Mais pour peu que les gouvernements tardent à contraindre l’aviation de luxe, leur point de vue deviendra plus influent parmi ceux qui s’inquiètent pour notre survie.