Les dérives fascisantes auxquelles nous assistons en ce moment à travers le monde sont glaçantes. Dans de nombreux pays, des mouvements d’extrême-droite, avec des accents plus ou moins populistes, autoritaires, nationalistes ou racistes selon les cultures où ils émergent, mais proches au fond des idéologies des partis fasciste et nazi qui ont causé tant de souffrances au siècle dernier, se renforcent ou accèdent au pouvoir. Aux États-Unis, le parti républicain, bien que puni aux élections de mi-mandat, double la mise et se vautre sans complexe dans une atterrante fange suprémaciste et réactionnaire. Depuis le Kremlin, l’agression de l’Ukraine est justifiée par une phraséologie grand-russe nauséabonde. Au moment où le Brésil se débarrasse enfin du pitoyable capitaine nostalgique de la dictature des années soixante et 1970, Israël se choisit une coalition ouvertement raciste qui entreprend aussitôt de démonter l’état de droit.
Postulat : cette terrifiante évolution correspond, au-delà de ses variations nationales, à autant de tentatives de préserver le statu quo carboné. Si ces menées parviennent à mobiliser des majorités arc-boutées sur leurs certitudes égoïstes d’un autre âge, autour de leaders qui flattent leurs instincts les plus bas en faveur de politiques inhumaines dans les domaines sociétaux, c’est pour, en dernière analyse, pour barrer la route à l’action climatique.
Comment, en effet, expliquer autrement cette sombre et en apparence inéluctable descente vers les bas-fonds du fascisme, à un moment où les cataclysmes causés par nos émissions incontrôlées de gaz à effet de serre devraient au contraire nous enjoindre jour après jour à choisir le cap opposé ? Comment interpréter l’incapacité persistante de nos sociétés à entamer la décarbonation si ce n’est par des efforts de minorités privilégiées décidées à défendre bec et ongles leurs privilèges fondés sur des décennies d’un modèle économique injuste dopé aux énergies fossiles ?
Ce recours renouvelé à la boîte à outils mise au point par Mussolini et Hitler au siècle dernier n’est pas une aberration qui aurait éclos par hasard ces dernières années. C’est l’aboutissement logique d’un déni organisé du fait climatique. Incompatible avec la poursuite du modèle thermo-industriel, la réalité du dérèglement fait désormais irruption avec une telle violence et une telle fréquence dans le quotidien des citoyens que les approches de barbouillage, d’escamotage ou de procrastination adoptées jusqu’ici pour reconduire le statu quo ne sont plus tenables. Pour préserver ce modèle, il fallait diaboliser, fanatiser, aveugler à tour de bras et faire en sorte que l’intolérance s’installe aux commandes.
Jusqu’ici, malheureusement, ces dérives, pas forcément coordonnées, mais diablement efficaces, ont contribué avec succès à reporter aux calendes grecques la mise en place de politiques de décarbonation en ligne avec les conclusions du Giec. Sans surprise, elles tournent délibérément et systématiquement le dos à la crise climatique, fourrant ceux qui s’en inquiètent dans le camp honni des wokes, alarmistes, communistes ou nazis, suivant laquelle de ces méthodes d’ostracisation leur semblera la plus à même de les marginaliser.