Oui, il y a eu un accord. Et oui, cet accord permet à chacun de renforcer ses positions. Il y a certains qui crient victoire et d’autres qui sont sceptiques. Ceci est valable des deux côtés – et des 28 côtés également, car les peuples européens ne sont pas dans l’illusion, ils savent que cette crise, si elle était « typiquement grecque » n’aurait jamais touché un pays comme l’Irlande dont le domaine public n’est pas corrompu.
L’une des raisons pour lesquelles les Grecs ne sont pas déçus, c’est parce que leur nouveau gouvernement est clair : l’objectif des « plans de sauvetage » a été de transférer la dette des banques sur les citoyens. Si la Grèce a été touchée la première c’est parce que le dispositif de l’État corrompu l’a permis (réalité cautionnée pendant des décennies à travers les scrutins). L’élément-clé est que pour la première fois dans l’histoire politique grecque le gouvernement est radicalement différent : il n’a pas été pas formé sur la base de l’habituel clientélisme douteux. Pour la première fois également, ce même gouvernement commence par limiter le confort de son fonctionnement – Varoufakis par exemple, qui voyage en seconde classe avec le commun des mortels.
Côté grec donc, pas beaucoup de place pour la déception. Le gouvernement a présenté cet accord comme un premier progrès, un petit pas vers l’accomplissement de ses objectifs. Ses composantes radicales se sentent trahies et le disent. Reste la majorité des citoyens qui, eux, contrairement à ce que l’on pourrait croire, se sentent soulagés et contents. Parce qu’ils ont compris que pour rester dans l’Union, il fallait jouer au jeu difficile du compromis. Et ils ont eu ce qu’ils voulaient : rester dans l’euro et dans l’Union en général ; mais surtout, ils ont obtenu quelques concessions de la part des durs de l’Europe – que Syriza a peut-être provoqués de manière peu conventionnelle, aussi bien dans le fond que dans la forme.
Ici, ce qui paraît insupportable c’est l’arrogance qui a primé tout au long de ces dernières années de la part de la troïka, arrogance de la part des partenaires forts – de l’Allemagne à la Finlande, passant par le président actuel de l’Eurogroupe, au ministre des Finances de Malte, insupportable !
Une fois ces sentiments exprimés reste la réalité que les Grecs attendent : douloureuse certes, mais cette fois-ci dans un objectif constructif. Réformes obligatoires et pénibles, peu d’améliorations des revenus à court et moyen terme mais, par contre, espoir pour une fonction publique honnête, efficace et au service des citoyens, des entrepreneurs et des investisseurs. L’objectif de tous est que le pays puisse retrouver la croissance, l’emploi et à long terme la prospérité.
Non, les Grecs ne sont pas déçus parce qu’ils espèrent que ce nouveau gouvernement va pouvoir limiter la fraude fiscale et surtout la corruption quasi généralisée à tout niveau des services publics avec – souvent – leur propre complicité. Les Grecs en réalité vivent une sorte d’apocalypse et visent à une catharsis – peu importe donc si elle doit être pénible. Ils espèrent que ce gouvernement est constitué par certaines personnalités qui ont déjà prouvé à travers leurs carrières leur engagement pour une conception alternative du pays (et de la vie), réussisse. Cela inspire : simplicité oui, sobriété oui, mais non à l’austérité qui enferme le pays dans le cercle vicieux de l’endettement.
Ce peuple ancien et actuel à la fois, connaît bien la figure du héros à travers sa mythologie. Il n’est pas dupe, il attend de voir. Il sait aussi différencier les promesses rhétoriques de l’engagement effectif. Cette insistance au sein des négociations pour changer certains mots est à cet égard signifiante. La reconnaissance au sein de l’accord de l’Eurogroupe du fait qu’aujourd’hui les Grecs font face à une crise humanitaire n’est pas que symbolique.
Mythologie oblige, Tsipras et Varoufakis peuvent être perçus comme des Hercules contemporains qui doivent nettoyer les écuries d’Augias. Autrement dit refaire la Grèce.
Mais ces mêmes Grecs ont aussi une très grande ambition pour leur Europe mythique et actuelle. Telle que l’on en rêve : citoyenne, sociale, volontariste, présente et compétitive sur la scène mondiale. Que vous le croyez ou pas, en parlant de ces nouveaux héros européens : ne soyez pas surpris si un jour Jean-Claude Juncker voit sa statue érigée place Syntagma !