Mike Bell, compositeur et pianiste, a récemment livré un projet solo, Just for the record, paru au Luxembourg chez Straight Records. Un album résolument jazz, style easy listening, aux sonorités très eighties. Catalogué pianiste spécialisé en country-rock, Mike Bell est un musicien aguerri qui a, pour ainsi dire, roulé sa bosse. Affilié près de douze ans au Albert Lee and Hogan’s Heroes, formation incontournable du genre, il a été à l’origine de moult projets parmi lesquels encore Somethin’ else en compagnie de Bobby Cochran et Brian Hodgson. De retour en solo, il reconnaît avoir puisé son inspiration chez ceux qui l’ont accompagné plus jeune. De Fats Waller à Charlie Parker et nombre d’autres. Exit le blues rock pour du jazz studio pur jus.
La pochette, blanche, présente en son milieu une belle photographie en noir et blanc de Paolo Lobo au format carré. On y voit le visage de Mike Bell, les yeux fermés, concentré, en pleine session. Treize titres pour plus de 70 minutes de musique. L’introduction Blues apathy est une entrée en matière prometteuse. Le piano est assuré, la contrebasse tout aussi fiable. Just for the record, morceau éponyme suit. À l’image du projet, le titre sonne très eighties. On y trouve une abondance de sonorités très artificielles, avec notamment une sorte de son de saxophone synthétisé. La première partie du morceau pourrait passer pour un générique d’une sitcom traditionnelle. Un titre très référencé, et même si le terme est galvaudé, « à l’ancienne ». Ce qui en fait paradoxalement un titre très actuel lorsqu’on pense au revival de la décennie 1980 qu’on nous rabâche dans tous les domaines culturels depuis quelques années. Néanmoins, l’arrivée de plusieurs cuivres dans la seconde partie du titre adoucit l’ensemble. What if, troisième morceau, se veut plus introspectif comme le titre pouvait le laisser deviner. Un solo au piano, tantôt mélancolique tantôt jouissif avec ses relents de balade optimiste. Loose limits étonne. Le morceau débute sur des percussions style batucada accouplées à une basse électrique funky. Un déroulé déroutant avant qu’un orgue s’enclenche pour un rééquilibre. Influences, le cinquième titre remonte le niveau, après quelques agréables interstices au saxophone, arrive un superbe solo au clavier.
Voices unforgotten détonne. Un piano, une contrebasse et un jeu à la batterie aux balais rythmés par un chant choral très doux aux résonances ancestrales. Goodbye JGA est là encore un solo au piano très affirmé. Mike Bell prend le temps d’installer une atmosphère presque sépulcrale avant de réveiller l’auditeur à coup de spasmes jazzy. Huitième morceau, Alaena, réactive cette impression de musique easy listening fade, voire insipide, tandis que No frills, qui suit, est l’un des meilleurs titres du disque. Se présentant sous la forme d’une sympathique balade, simpliste et efficace. Mike Bell jongle constamment entre morceaux de haut-vol et musiques d’illustration assez plates. Véritable tour de force d’équilibriste, cet opus se poursuit encore avec Bye Bye Bye, bluette d’un romantisme exalté.
Arrivent encore Popityskipity, Way way too early et enfin So many goodbyes. Morceaux simples mais agréables qui se complètent. Just for the record est une expression qu’on pourrait traduire par pour que les choses soient claires. Elles le sont. L’album, qui semble ne pas avoir été spécialement conçu pour la scène, est une compilation de titres intégralement composés, interprétés et produits par le musicien. Un album de musiques studio réalisé, en somme, juste pour l’enregistrement. Mike Bell livre ainsi un disque qui ne fera peut-être pas date, mais qui rivalise aisément avec une bonne partie des productions locales.