L’an dernier, en mars 2017, Pascal Schumacher et Maxime Delpierre publiaient Drops & points, un album conceptuel de sept titres. Plutôt bien accueilli, l’opus annonçait un tournant artistique dans la carrière du vibraphoniste luxembourgeois, celui de l’électro. Sortant du carcan habituel de la formation jazz classique, l’apport de la saturation de la guitare électrique de Maxime Delpierre donnait à cet album un côté hybride, plus que plaisant car étonnant. Aussi, moins d’un an après, les deux musiciens ont décidé de proposer Drops & points reworks. Toujours publié chez Modulating Music, label fondé par Pascal Schumacher lui-même et Raphael Junker, cet EP de six titres, deux compositions inédites et quatre remix, est plus qu’une simple ré-édition. Les musiciens proposent une véritable ré-interprétation de l’opus précédent.
Retour en arrière d’abord. Drops & points, premier du nom, délaissait petit à petit son étiquette jazz au profit de variations plus électroniques. Sept titres composaient cette métamorphose croissante. Drops, le premier titre s’ouvrait sur des notes lancinantes, mélange entre du Gustavo Santaolalla et des bandes originales de Jonny Greenwood pour les derniers films de Paul Thomas Anderson, contrebalancées par les notes aiguës au vibraphone. Le second morceau Dots aux consonances électro encore modérées offraient de puissants riffs à la guitare électrique. Bubbles style new age proposait des envolées encore timides à la Vangelis. Ensuite Drips, morceau house avec une magnifique conclusion proposée par un quatuor à cordes. Suivaient encore Waiting point, oubliable, et Drop my mind, titre penchant vers l’électro folk et l’électro country. Enfin le titre Tango of points offrait un point final totalement hors jazz, résultat de cette métamorphose.
Drops & points reworks n’est pas un album à proprement parler mais un EP, un format plus court, plus libre. La cover réalisée par Michel Welfringer est assez épurée, un cercle rempli de noir au centre entouré par cinq autres. Les couleurs présentes sur la pochette originale ont presque disparu. Gogopoints, un titre inédit ouvre le projet. Du synthétiseur lointain, un léger goût de new age. Arrivent de fortes basses ultra saturées. Comme sur l’opus original, Pascal Schumacher délaisse ses baguettes pour se mettre aux claviers, ici avec succès. Le second titre est un remix du premier par Paul Frick. Le titre est comme obstrué, les sons contenus. On entend parfois des notes au piano retenues et dissonantes et d’étranges gros coups hasardeux. Une musique difficile à décrire mais pour le moins intéressante. Le titre d’après est un remix de Drips par Stimming. Le magnifique passage des cordes a été sauvegardé, un beat ajouté pour un remix malgré tout très sage. S’ensuit une relecture de Bubbles par Ryvage, alias Samuel Reinard, musicien basé au Grand-Duché. Ré-interprétation qui lorgne du côté de Justice période Cross. Puis, un remix de Drop my mind par Kaito, bien supérieur au morceau original. Enfin, l’EP est clôturé par Marimbadots, tout est dans le titre, sympathique conclusion d’un exotisme électronique.
Il y a presque vingt ans, David Blot et Mathias Cousin publiaient Le chant de la machine, bande dessinée en deux volumes, œuvre graphique indispensable pour la compréhension des musiques électroniques. Nul doute aujourd’hui que Pascal Schumacher a succombé aux appels de la machine. L’électronique dans le jazz n’est pas une nouveauté, déjà dans les années 70 des musiciens de légende du type Miles Davis s’attelaient à la tâche. Avec ce dernier projet, le vibraphoniste s’est cependant complètement écarté de la voie toute tracée du classicisme jazzesque, pour le plus grand bonheur (ou pas) des amateurs de la musique électro. Nouvelle étape d’une carrière atypique. On ne peut qu’être curieux de découvrir la suite.