Le Wine Note à Thionville est en effervescence. Jeudi 23 février au soir, dans l’arrière-salle du bar, le Arthur Possing Quartet est en concert. La formation, qui a connu de multiples formes en quatre ans d’existence, publie son premier album Four years chez Hypnote Records. Le quartet est ainsi composé d’Arthur Possing au piano, Pierre Cocq-Amann aux saxophones, Pit Huberty à la batterie et Sebastian Flach à la contrebasse, qui est remplacé le temps d’un soir par Laurent Peckels. La quasi-totalité des morceaux issus de l’album sont interprétés sur scène. L’occasion d’étudier plus en détail ce premier opus.
Enregistré au Kleine Audiowelt Studio à Sandhausen en octobre dernier, Four years est l’aboutissement, comme souvent, d’un cheminement musical. Les quatre ans du titre représentent, quatre années durant lesquelles le jeune pianiste a perfectionné sa maîtrise du vibraphone aux cotés de Guy Cabay. Et accessoirement, les quatre années d’existence du quartet. Sur la pochette du disque, d’un beige rosé, un cercle coupé en quatre couleurs là encore, rouge, bleu, orange et jaune. Simpliste et géométrique, de fait un classique jazzesque. Neuf morceaux pour un peu moins d’une heure de musique.
L’introduction, Startin’ débute par quelques notes à la contrebasse. Les artistes se présentent encore assez timidement. Le saxophone seulement se permet quelques écarts, il est comme enrhumé pour un effet des plus plaisants. Solo de contrebasse gentillet. Néanmoins, le titre est plutôt bien structuré avec un leitmotiv entraînant, simple et efficace. B16, le morceau suivant opte pour un piano nostalgique et un saxophone larmoyant qui offrent un côté spiritual jazz japonisant. Nouveau solo de contrebasse, plus émotif cette fois ci avec un crescendo au piano. Arrive 4 to 7, là aussi très nostalgique, le morceau passable offre cependant quelques jolies transitions au piano. Brahms on a journey interpelle. Après une longue introduction, presque soporifique le schéma habituel est renversé. La musique est lancinante, nocturne. Les réverbérations du saxophone bousculent et c’est justement lorsque les musiciens expérimentent, lorsqu’ils brisent les chaînes des traditions que le disque trouve tout son sens.
La cinquième piste, African dream, est probablement la meilleure de l’opus. Pit Huberty, très discret dans les premiers titres, peaufine ici son jeu. Les percussions couplées aux cordes pincées laissent d’abord entrevoir un côté oriental qui pourrait faire penser durant quelques secondes à un titre de Avishai Cohen (le contrebassiste). Puis, le saxophone se met à hurler, jeu d’un charmeur de serpent. Des sonorités africaines avec un solo dantesque. Du free jazz pur jus. L’instrument suffoque, on entend une musique venue d’une trompe d’éléphant. Durant le concert au Wine Note, le quartet est en osmose en arrivant à ce titre. Pierre Cocq-Amann impressionne. Un spectateur, amateur du genre s’exclame : « Un jeu à la Coltrane ! ». Four years, titre éponyme arrive ensuite. Le morceau-vitrine du projet est en somme assez intéressant. Arthur Possing dévoile une large palette de jeux. Le septième morceau, Picturesque, ré-enclenche un sentiment de mélancolie latente.
Le huitième morceau, Impression, est un solo du jeune pianiste. Certains passages peuvent faire penser à du Vince Guaraldi époque Charlie Brown. Sorte de comptine accélérée et jazz. Enfin, l’album est clôturé par XL, un renvoi vers l’introduction. Nul doute qu’avec l’expérience de la durée, la formation s’émancipera davantage de la retenue et leur musique deviendra d’autant plus pertinente. Arthur Possing peut savourer la sortie du disque, car le traditionnel et sans doute trop prudent Four years se laisse néanmoins écouter avec plaisir.