Cela pourrait faire des jaloux. Page sept de son livre sur l’Iran, Die Allee der Zähne (on reviendra sur le titre), paru chez Capybarabooks, après que des extraits en eurent paru sur son blog, furent repris dans Zwischen Berlin und Beirut. West-östliche Geschichten, Guy Helminger nous fait voir son visa de la République islamique ; il lui fut attribué par le consulat de Francfort, pour la période du 5 février 2007 au 6 mai, par le « Third Consul ». Preuve irréfutable de son séjour, de la véracité du voyage et de son compte rendu. Ce qui n’est pas donné à tout le monde. En effet, plus de visa dans le passeport (ce qui est en fait gentil et fait l’économie au voyageur d’emmerdements avec d’autres pays, suivez le regard), mais une simple feuille de papier qu’on garde avec soin et remet le jour du départ. Comme preuve, il ne reste que la carte d’embarquement, de Shiraz par exemple pour Doha.
On n’enviera pas à Guy Helminger les circonstances de son départ. Des falafels, ça peut être bon, ça peut également être porteur de bactéries et provoquer une intoxication alimentaire. Vite à l’hôpital, à Téhéran même, on remet en forme le pauvre patient, juste assez pour lui permettre de prendre l’avion. C’est à Cologne qu’il sera soigné définitivement.
Voilà pour les tenants et aboutissants d’un séjour de trois semaines en Iran, à Téhéran principalement, sur invitation du Goethe-Institut, pour un échange avec Amir Hassan Cheheltan, romancier iranien. La date a son importance, 2007, nous sommes dans les années noires du président Ahmadinejad ; depuis, des choses ont changé, c’est certain, et si Cheheltan à l’époque n’était guère bien vu, aujourd’hui, tels de ses livres ont été traduits.
Guy Helminger s’avère un piéton de Téhéran, attentif, bienveillant, ouvert bien sûr, répondant à l’ouverture d’esprit des Iraniens. La politesse, la gentillesse, vieille vertu persane, lui confie une femme, peu enchantée d’avoir à porter le foulard, léger quand même, de teintes claires, imprimé de fleurs, « bittet mich, zuhause zu erzählen, dass die Iraner gute Menschen sind ». Qui semblent en gros s’être accommodés du régime, de son arbitraire d’alors, dont le propre est une menace incertaine mais constante. Cela dit, première surprise, ou non, la présence d’alcool dans les familles, on suggère même que le gouvernement organise la contrebande.
C’est les scènes de la vie de tous les jours qui font la chair du livre, qui font revivre tant de moments, de rencontres, dans la rue, dans un bazar, même si le prétexte n’en est, des deux côtés, que la photographie ; à se demander ce que toutes ces photos prises par les Iraniens avec des étrangers vont devenir. Là-dessus se détachent telles visites, de l’ancien complexe palatial des Pahlavi, du mausolée Khomeini, d’Ispahan. Et après l’observateur et son coup d’œil de finesse et de vivacité, c’est l’écrivain qui prend la relève.
Ainsi, pour les palais Sa’ad Abâd transformés en musées comme l’est aussi le complexe du Golestân. Voici l’entrée des premiers, l’allée qui y mène et qui a donné son titre au livre : « Die Allee, die uns hineinführt, lässt in meinem Kopf das Bild zweier überdimensionierter, lippenloser Münder aufblitzen… eine Allee der Zähne. Wir werden zerkaut, noch ehe wir es merken. » De même pour la traversée du désert, entre Téhéran et Ispahan, où il faudrait citer tout le passage. Juste ces quelques lignes : « Die Berge im Hintergrund tragen nun Schnee auf den Gipfeln, schälen sich deutlich aus dem flirrenden Hitzemantel, der sie umgibt. Dan wird der Boden ebenfalls weiss. Zuerst nur zungenweis; langgezogene Flecken liegen verstreut wie die sichtbaren Zeichen einer Pigmentstörung über der erdigen Haut, schliesslich ziegt sich das Gesicht einer ‘Albino-Wüste’./ Salz! Wir fahren durch ein Salzwüste. »
Guy Helminger a été en Iran en février, a vu la neige tomber à Téhéran. Et à Ispahan, les eaux de la Zâyandeh-rud, rivière coupant la ville en deux, coulaient sous les ponts anciens. Plus rien de tel le mois dernier(voir d’Land 49/18). Un lit asséché, et il semble que ce ne soit pas provisoire. Ce qui n’a pas empêché les ponts, avec leurs arches, de fonctionner comme des lieux de rencontre, il y résonnait à défaut du clapotis une musique remontée de très loin.