Alors que la plupart des fonctionnaires des États membres doivent se serrer la ceinture et voient leurs salaires diminuer, les fonctionnaires des institutions européennes, eux, obtiennent une hausse des leurs. Le 9 novembre en effet, la Commission a tenu une réunion avec des experts des 27 pays de l’UE durant laquelle elle a proposé une nouvelle une revalorisation salariale annuelle de 0,4 pour cent pour les fonctionnaires européens. « Il n’y a pas eu de gros problème soulevé », a assuré un de ses porte-parole. « Il ne s’agissait que d’un débat entre techniciens et la tonalité pourrait être différente lorsque cela remontra au niveau des politiques », a toutefois indiqué une source diplomatique.
On se rappelle en effet que l’année dernière, ce sujet avait déclenché une « guerre ouverte » entre Commission et Conseil, ce dernier ayant le 23 décembre 2009 refusé l’augmentation de 3,7 pour cent proposé par l’Exécutif européen, la limitant à 1,85 p.c. La Commission avait le 6 janvier 2010, saisi la Cour de Justice de l’UE pour trancher le litige. Les plaidoiries se sont déroulées le 21 octobre dernier et le jugement est attendu pour le premier semestre de l’année 2011.
La polémique s’articule autour de la méthode utilisée pour calculer les modifications salariales des fonctionnaires de l’UE. Celles ci sont calculées en vertu d’un accord institutionnel sur l’évolution de celles de la fonction publique de huit « anciens » États membres représentant 76 P.C. du PIB de l’UE (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Luxembourg, Royaume-Uni) et sur le coût de la vie à Bruxelles pour les expatriés qui affiche une hausse des prix de 2,4 p.c. L’adoption de ces règles se fonde sur un calcul datant des années 1970. Elles furent entérinées par les pays de l’Union en 2004 et introduites avec un décalage de six mois dû au temps de calcul des donnés transmises par les États membres. Ces calculs n’incluent pas les « nouveaux » États membres, car il était estimé que leur niveau de vie allait augmenter trop rapidement et qu’il ne serait donc pas représentatif.
La Commission prétend respecter des règles acceptées par les États membres et est soutenue en cela par le Parlement, alors que le Conseil, qui représente les États membres, estime dans le contexte de crise économique et financière inadmissible d’augmenter fonctionnaires européens. Cette année, des fonctionnaires nationaux vont subir des baisses conséquentes : 4,1 et 1,3 p.c. en Espagne, en Allemagne. D’autres en revanche vont connaitre une augmentation : 1,9 au Luxembourg, 1,7 en France et 0,9 en Belgique. Mais, souligne la Commission, les fonctionnaires européens enregistreront une perte de pouvoir d’achat de deux pour cent, tout comme leurs collègues des huit pays de l’UE utilisés dans l’échantillon.
Plus largement, le Conseil reproche à « la méthode » son manque de souplesse pour faire face à des cas de crise, et sa décision unilatérale est perçue comme une violation des règles. C’est un geste politique fort mais qui se heurte à un mécanisme automatique accepté par lui. Si les règles ne correspondent plus au contexte de crise, on doit les changer et il faut en voter de nouvelles dit en substance la Commission. Ce que la Cour de justice devrait en toute logique entériner, comme elle l’a déjà fait en 1972, d’autant que les juges européens sont eux mêmes directement concernés. La juridiction européenne donnera ainsi aux États membres l’occasion de ne pas perdre la face ; malgré leurs résistances, la justice européenne a jugé conforme une telle hausse.
Le Parlement a déjà anticipé le verdict de la Cour, la commission parlementaire des budgets, contrairement au Conseil, a mis en réserve 71,5 millions d’euros correspondant au reste d’indexation des salaires des fonctionnaires pour l’année passée dans son interprétation du budget 2011.
La prochaine révision est prévue pour 2012 et se fera dans le cadre du traité de Lisbonne selon les règles de la codécision : le Conseil et le Parlement devront donc décider ensemble pour la première fois de la manière de calculer le taux d’augmentation annuel. Il est trop tôt pour connaître les positions des deux institutions européennes, mais il paraît peu probable que des changements majeurs interviennent, car les paramètres fondamentaux ont déjà été posés. Une discussion sur la rapidité du calcul de l’ajustement et l’inclusion des nouveaux États membres dans le calcul pourrait cependant intervenir.