Ils sont comme les derniers mohicans : quelques dizaines de croyants seulement ont assisté à la désacralisation de l’église Notre-Dame des douleurs à Differdange dimanche dernier. Ils ne seront probablement pas plus nombreux mercredi prochain,12 décembre, pour la veillée aux chandelles annoncée devant la Cathédrale de Luxembourg, avec la bénédiction de l’archevêché, afin de protester contre les « attaques » et « l’agressivité » prétendues contre les croyants au Luxembourg. Pour s’insurger contre le vote de la loi sur l’avortement, des mercenaires radicaux étrangers ont même dû être importés pour faire le chemin jusqu’au Marché-aux-Herbes avec leurs petits cercueils blancs de ces « enfants qu’on assassine » en avortant pour que le refus d’une ultra-droite catholique vis-à-vis de toute évolution sociétale soit encore audible.
Dans une société de plus en plus sécularisée, la nouvelle posture de l’Église catholique en tant qu’institution est celle d’une victimisation exagérée. Mais elle cache mal la reprise en main d’une main de fer dans un gant de velours par l’archevêque Jean-Claude Hollerich, un an après son entrée en fonction, de tout le réseau d’influence de l’Église catholique. Si Jean-Claude Hollerich fut accueilli les bras ouverts il y a un an, son air débonnaire et son apparente ouverture d’esprit, cherchant le contact avec toutes les couches de la population, parfois même avec une bière à la main ou se faisant photographier sur son vélo d’intérieur, ne laissaient pas présager sa stratégie de reconquête de hardliner. Là où l’archevêché avait essayé, ces dernières années, de moderniser son approche en se faisant plus discret, par exemple au sein du groupe Saint Paul, éditeur du Luxemburger Wort, sous Mathias Schiltz, le nouveau vicaire général Erny Gillen, président de Saint Paul Luxembourg depuis le début de l’année, inverse la tendance, s’est séparé d’un rédacteur en chef (Marc Glesener) tellement libéral qu’il a pu rejoindre le Journal sans transition et revalorise les pages consacrées à la religion, ouvrant grandes les colonnes du journal à la position de l’Église et de ses organisations amies.
Là où la main de l’Église était invisible pour rendre possible un travail social pour le bien de tous, au sein de la confédération Caritas, le nouveau président du conseil d’administration, Jean-Claude Hollerich lui-même, a fait modifier les statuts en octobre afin d’y valoriser les « racines théologiques » ainsi que l’éthique et la morale catholiques dans les missions des membres de la confédération. Dans les villages libéraux où les parents font faire leur première communion à leurs enfants, juste par tradition et « pour les cadeaux », de jeunes curés hyper-motivés introduisent des systèmes de cartes de fidélité comme au supermarché avec lesquelles les enfants doivent prouver leur assiduité à l’office du dimanche pour pouvoir y participer – ce qui aura surtout comme effet de les faire fuir pour toujours dès le lendemain de la communion.
Toute cette radicalisation de la part de l’institution et de ses mandataires entraîne bien sûr aussi une radicalisation de la part des opposants à l’Église et des défenseurs d’un État laïc et d’une séparation entre l’Église et l’État. À un moment où les institutions luxembourgeoises – le Cour grand-ducale, l’État de droit, la place financière, Arcelor-Mittal,... – trébuchent comme rarement dans l’histoire récente, le Kulturkampf annoncé par l’archevêque autour de la possible réaffectation de l’église de Differdange (construite à l’époque [1955] où lui [1958] et Erny Gillen [1960] sont nés dans la même ville, tout un symbole !) pour des valeurs de tolérance et de liberté de choix n’est alors qu’une façade pour cacher les réels enjeux, qui se lisent à l’influence sociétale d’une organisation en perte de vitesse dans la société moderne – et se chiffrent en monnaie sonnante et trébuchante.
josée hansen
Catégories: Église et État
Édition: 30.11.2012