Le 25 octobre 2001, Microsoft lançait Windows Experience, ou XP. Prenant le relais de Windows 2000, XP, avec son passage au tout-32 bits, paraissait à l’époque un pari osé. Dix ans après, la longévité de ce système d’exploitation, surtout en entreprise, suscite l’admiration mêlée d’ironie des observateurs du monde de l’informatique. XP résiste avec ténacité aux efforts de Microsoft de le faire disparaître au profit des versions plus récentes et plus chères de Windows : il reste de loin le premier système d’exploitation installé dans le monde, avec une part de marché de l’ordre de 34 pour cent en septembre dernier, devant Windows 7 (quelque 33 pour cent) et Vista (un peu moins de onze pour cent), selon des statistiques dérivées des visites sur les sites Web. Alors que Microsoft renouvelle son système d’exploitation tous les deux ou trois ans en moyenne, comment une version unique a-t-elle pu ainsi s’incruster dans le paysage, résister à tous les efforts de marketing de l’éditeur de Redmond pour en venir à bout et s’adjuger un tel record de longévité ?
Parmi les explications figurent en bonne place les maux de tête générés par les prédecesseurs de XP, surtout Windows 95, dont les défauts criants et l’instabilité avaient sérieusement écorné la confiance des utilisateurs à l’égard de Microsoft. Le nouveau système d’exploitation avait d’ailleurs été accueilli avec une bonne dose de scepticisme. Mais, même dans sa première version, il s’est avéré nettement plus fiable que Windows 98 ou Windows 2000. Alors que la première version de XP présentait une partie des défauts de ses prédécesseurs, celle qui résultait de l’adjonction du Service Pack 2, publié en 2004, allait, sur la durée, se révéler solide et bien plus adaptée aux attentes des utilisateurs en termes de connectivité et de navigation Internet.
C’est surtout en entreprise que XP continue d’occuper une place remarquable, estimée en général à 50 pour cent à l’échelle mondiale. Une fois que les services informatiques avaient réussi à marier les besoins spécifiques de leur organisation, depuis les serveurs aux applications maison, au sein d’une solution intégrant des terminaux personnels XP, il était très tentant de la maintenir contre vents et marées pour éviter les frais non négligeables liés à une migration vers une version plus récente. Les utilisateurs ont fini par s’y habituer voire s’y attacher, et l’inertie naturelle et les insuffisances notoires de Vista ont fait le reste. Aujourd’hui, XP est souvent installé sur des ordinateurs bien plus performants que ceux d’il y a dix ans, capables donc de faire tourner sans encombre des systèmes d’exploitation beaucoup plus évolués. À l’époque de l’introduction de XP, tout ordinateur était équipé d’un lecteur de CD. Ce n’est plus le cas nécessairement aujourd’hui pour les laptops. Or, installer XP depuis autre chose qu’un CD est souvent fastidieux. Rien n’y fait : il semble acquis que bien des entreprises vont choisir de prolonger l’utilisation de XP aussi longtemps que possible : pour l’instant, l’horizon semble être le 8 avril 2014, date à laquelle Microsoft cessera tout support pour la plateforme. Tant pis, se disent bon nombre de directeurs informatiques, si les utilisateurs sont confrontés aux limitations notoires d’un système d’exploitation pétrifié dans le temps. La crise économique ne fait qu’accentuer cette tendance. Peut-être même que des entreprises, utilisatrices indécrottables de XP, tenteront, lorsque viendra l’heure, de renoncer pour de bon à XP, de s’organiser pour convaincre Microsoft de leur accorder quelques années de support de plus. Si elles réussissent, elles ajouteront quelques années de plus à l’amusant record détenu par XP, prolongeant encore son anachronique pénétration.