Les moulins à rumeurs se sont remis à tourner avec force ces dernières semaines annonçant un rachat imminent de Yahoo par Microsoft. Après le rachat de Skype en mai dernier pour 8,5 milliards dollars, le premier éditeur mondial de logiciels semble donc bel et bien chercher à se prémunir contre le déclin irrésistible qui semble être son lot ces dernières années, notamment face à Apple, Google ou Facebook, en rachetant d’autres firmes géantes. Une première information sur une telle transaction avait fait surface au début du mois, pour être renforcée cette semaine par des précisions sur un montage envisagé avec des partenaires financiers : le Wall Street Journal a indiqué que Microsoft négocie avec le Canada Pension Plan Investment Board et avec l’investisseur privé Silver Lake Partners pour mettre en place une offre pour Yahoo. Microsoft apporterait « plusieurs milliards ». Toujours selon ce quotidien, neuf autres groupes étudieraient en ce moment la possibilité d’une offre pour Yahoo.
L’information est d’autant plus crédible que ce ne serait pas la première fois que Microsoft essaierait de racheter Yahoo : une première tentative, chiffrée à 47,5 milliards de dollars, avait lamentablement échoué en 2008, après que Yahoo eut refusé net l’offre. À la suite de cette transaction avortée, qui avait tout de même débouché l’année suivante sur un accord de dix ans en matière de recherche sur Internet, le patron et cofondateur de Yahoo, Jerry Yang, avait été brutalement débarqué. Aujourd’hui, Yahoo vaut environ 20 milliards de dollars et semble activement rechercher un ou plusieurs investisseurs, après avoir une fois de plus renvoyé sans égards son CEO, Carol Bartz, en septembre.
La presse spécialisée américaine a cité un spécialiste des fusions et acquisitions, David Callaway de Market Watch, pour qui Yahoo reste malgré tous ses déboires à la tête d’un « étonnant jeu d’actifs Internet, avec un impact massif constitué de près de 700 millions d’utilisateurs uniques » et ce serait une « folie » pour Microsoft de ne pas soumettre d’offre. D’autant plus, font remarquer d’autres experts, que Microsoft serait mal venu de laisser Yahoo partir dans l’escarcelle d’autres intervenants, car dans une telle éventualité, l’accord de recherche entre les deux entreprises serait menacé.
Échaudé par le refus essuyé en 2008, Microsoft aurait donc choisi non pas un rachat en solo, mais un montage qui lui donnerait une influence suffisante pour éviter que les redresseurs éventuels de Yahoo aillent à l’encontre de ses intérêts, mais éviterait le clash des cultures qui avait été, semble-t-il, en grande partie à l’origine de l’échec de la première offre.
Malgré tout le mal qu’il est de bon ton de dire sur Yahoo ces jours-ci, le portail historique reste une entreprise à l’image positive auprès des utilisateurs et aux résultats financiers relativement corrects compte tenu de la crise. La firme a fait état cette semaine d’un résultat net au troisième trimestre à 293 millions de dollars, contre 396 millions un an plus tôt. Elle n’a pas encore été en mesure d’annoncer le nom de son nouveau CEO, ce qui n’a pas non plus semblé inquiéter particulièrement les investisseurs : l’action Yahoo a progressé de quelque trois pour cent après la présentation de ses chiffres trimestriels. Yahoo a précisé à cette occasion que son accord avec Microsoft en matière de recherche avait été prolongé jusqu’en mars 2013 pour l’Amérique du Nord.
Yahoo détient une part du moteur de recherche chinois Alibaba, qui continue de connaître des résultats en forte croissance. Son patron Jack Ma est lui aussi intéressé par le rachat de Yahoo, ou à défaut souhaiterait profiter d’un changement d’actionnariat chez Yahoo pour racheter la part de 40 pour cent détenue par le portail américain. Cette éventualité semble également tenir le haut du pavé en cas de rachat par des investisseurs nord-américains, qui miseraient dans ce cas sur les revenus tirés de cette vente et le désengagement de Yahoo des marchés asiatiques pour renflouer la société et financer une redéfinition de sa stratégie.