Au premier rang des cadeaux de Noël inutiles, cette année, les vainqueurs toutes catégories sont sans aucun doute les drones. Attention, en 2014, on a progressé dans le domaine de l’inutile. On ne fait plus de l’inutile à l’ancienne, comme une cafetière Nespresso pour un buveur de thé ou des coffrets DVD de séries à des abonnés à Netflix. Non, c’est de l’inutile dont on a, néanmoins, envie. A part les activistes antinucléaires qui rêvent de survoler Cattenom et de passer une nuit au poste de police, les agents immobiliers spécialisés dans les châteaux et villas avec jardins à l’anglaise qui ont besoin de prendre des photos d’ensemble des propriétés mises en vente et les jardiniers semi-professionnels hostiles à la culture biologique qui désirent optimiser l’épandage d’engrais sur leur potager, personne n’en a besoin. Et, pourtant, depuis que vous avez vu qu’il s’en vendait par dizaines de milliers, c’est plus fort que vous, vous aussi vous sentez confusément que la seule chose qui manque à votre bonheur, c’est un drone.
Vous aimez la high-tech et, au moins, cette année, vous ne ferez pas de trous dans le mur pour passer de nouveaux fils, vous n’embêterez plus le reste de la famille qui veut simplement écouter Eldoradio en leur montrant les 3 000 canaux que vous pouvez capter avec votre radio Internet. Non, vous allez foutre la paix à tout le monde et jouer dans le jardin. Comme lorsque vous avez reçu votre premier train électrique il y a 35 ans. Avec un peu de chance, a dû penser votre épouse en lâchant 400 euros dans un jouet pour adulte, vous retrouverez la tondeuse ou le taille-haie et il vous prendra l’envie de faire un minimum d’entretien entre deux rase-mottes au-dessus du chien des voisins, rendu fou par vos prouesses aériennes. De votre côté, vous oublierez que vous avez enterré il y a vingt ans vos rêves de devenir cosmonaute ou pilote d’hélicoptère pour devenir un comptable de fonds qui passe ses journées assis derrière un ordinateur à calculer des valeurs nettes d’inventaire. De toute façon, quelle est l’utilité d’une dix-huitième cravate Hermès ? D’un livre et du matériel associé pour faire de la cuisine façon « Top-Chef » alors que vous êtes encore assez valides pour aller au restaurant quand vous avez envie de manger de la cuisine préparée par des professionnels ?
Au deuxième rang des cadeaux inutiles, peut-être le robot laveur de vitres, qui pour le prix de vingt heures de femme de ménage vous propose de laver un seul côté de vos carreaux. Et le côté le moins sale, puisque c’est l’intérieur. En effet, on imagine qu’avant de poser la machine du côté extérieur du haut du troisième étage vous aurez intérêt à souscrire à une bonne assurance. En fait, il faut reconnaître que c’est sans doute le plus inutile du palmarès 2014, mais on pense qu’il l’est tellement que son succès sera resté très confidentiel. Passons donc.
En troisième position, le phénomène inverse : un objet qui n’est pas totalement inutile, mais dont le succès dépasse largement l’entendement eu égard aux critères normaux de rapport utilité/prix : la montre connectée. Déjà, on pensait que les montres, c’était mort. Comme les appareils photos, les dictaphones ou les walkmans. Les téléphones jouant le rôle de couteaux suisses du XXIe siècle. Mais non, encore plus laid que les porte-téléphones à accrocher à sa ceinture, ce Noël aura été celui du couronnement de la montre en plastique qui vous dit quelle heure il est et où vous êtes. Enfin, elle dit surtout à votre conjoint où vous étiez entre 18h00 et 19h00 hier. On imagine que lorsque tout le monde sera équipé, elle pourra même lui dire avec qui. Et préciser également si votre cœur battait plus vite à ce moment-là… Le plus surprenant, c’est que ces montres sont censées indiquer combien de pas vous avez fait sur la journée. Si vous avez du mal à comprendre comment un dispositif attaché au poignet peut compter le nombre de mouvements de vos jambes, rassurez-vous, vous êtes normal. C’est high-tech, si vous ne savez pas comment marchent les bitcoins, ce n’est même pas la peine d’essayer de deviner comment fonctionne une montre. Il nous suffit de savoir que l’appareil émet un signal à chaque fois qu’un SMS est reçu pour trouver cela génial, même si la valeur ajoutée par rapport au petit sifflement de votre téléphone ou à sa vibration dans votre poche peut, là aussi, laisser perplexe. C’est sans doute que quand on marche sur les mains, on ne peut pas mettre son téléphone dans ses poches au risque de le voir tomber.
En conclusion, 2015 s’ouvre surtout sur la perspective que nous devrions nous retrouver entourés d’une multitude de James Bond des temps modernes, occupés à parler à leur montre pendant qu’un drone filme leurs exploits dans des travellings dignes d’Hollywood. Ça nous changera des selfies avec un doigt en guise de moustache.