Pour ceux qui ont pris conscience de la gravité de la crise climato-civilisationnelle, l’écart entre la menace imminente qu’elle constitue et la persistance du refus de nos sociétés d’y remédier est susceptible d’impacter négativement leur santé mentale. Le phénomène semble prendre de l’ampleur à mesure que la crise s’intensifie et que l’inertie se consolide. Les activistes et les scientifiques concernés sont nombreux à souffrir de troubles psychologiques face à ce qu’ils perçoivent comme une impasse, voire comme un échec personnel. Charlie Hertzog Young, un jeune Britannique qui a pris la menace climatique à cœur au point de tenter de mettre fin à ses jours à l’âge de 27 ans, raconte son expérience, quatre ans plus tard, dans un livre, Spinning Out, qui vient de paraître. Amputé des deux jambes, il reste déterminé à poursuivre le combat. Un journaliste du Guardian qui l’a rencontré le décrit, enthousiasmé, comme un jeune homme « au grand sourire et rayonnant de santé », « au discours posé et extrêmement éloquent ».
Hertzog Young a commencé à se soucier de l’avenir de la planète à douze ans. L’échec de la conférence de Copenhague, à laquelle il a participé en 2009 à l’âge de 17 ans, l’a plongé dans une profonde dépression. Trois ans plus tard, il était diagnostiqué bipolaire et interné, plongeant dans une spirale de crises et de traitements. Il allait néanmoins réussir à passer un master et à trouver un travail. Mais, après un nouvel accès de découragement, lors d’une visite chez son thérapeute, il saute par la fenêtre de l’immeuble.
Aujourd’hui, il a suffisamment récupéré pour pouvoir reprendre le combat, travaillant avec un activiste environnemental pakistanais et avec « Connecting Climate Minds », une association qui s’efforce de faire face aux défis de santé mentale que pose la crise climatique. 24 pour cent des personnes affectés par des désastres vont développer des syndrômes de stress post-traumatiques (PTSD) dans les six mois qui suivent, selon l’OMS. Les jeunes sont particulièrement à risque : selon une étude publiée dans la revue Lancet, portant sur 10 000 jeunes dans dix pays, 56 pour cent pensent que l’humanité est condamnée. « Le changement climatique peut déverser sur nous tant de douleur, de traumatismes, de stress, d’angoisse et de toxicité culturelle. Il peut nourrir la défiance, l’apathie et le nihilisme, et peut aussi générer une peur profonde. Même pour des gens qui vivent la crise climatique de loin, par le biais des medias, il y a un chemin causal médicalement reconnu menant à la dépression, à l’anxiété et au PTSD », témoigne le rescapé.
Malgré son expérience déchirante et son handicap, il se montre plein d’allant, déclarant qu’il faut se montrer « enjoué et créatif ». Plutôt que « se jeter sur les problèmes » comme il le faisait avant, il recommande de s’engager de façon plus attentive et en s’aidant les uns les autres.