Le triste spectacle que livrent ces jours-ci les deux principaux partis britanniques en matière environnementale est des plus décourageants. Après l’exclusion de Boris Johnson du Parlement, une élection partielle à Uxbridge, son ex-fief dans la banlieue de Londres, a été remportée de justesse, et contre toute attente, par son parti le 20 juillet. Il est établi que les diatribes contre l’expansion de l’ULEZ au Grand Londres ont joué un rôle conséquent dans la défaite des travaillistes, qui pensaient pouvoir cueillir facilement la circonscription tenue depuis 1970 par les conservateurs et depuis 2015 par celui qui, après avoir été ensuite premier ministre, fut débarqué de Downing Street puis de Westminster dans des conditions calamiteuses. L’ULEZ, pour Ultra Low Emissions Zone, a été décidée par Boris Johnson lui-même en 2015, pour être instaurée en 2019. L’actuel maire de Londres, le travailliste Sadiq Khan, a décidé de soumettre quelque cinq millions de personnes supplémentaires à cette réglementation anti-pollution destinée à limiter la circulation automobile à travers une taxe de 12,50 livres pour chaque entrée dans la métropole des véhicules les plus polluants.
À l’arrivée, les conservateurs ont mesuré à quel point l’opposition à l’ULEZ leur avait été propice et ont décidé de surenchérir – alors que le secrétaire aux transports, le conservateur Grant Shapps, l’eut lui-même défendue au nom des revenus fiscaux qu’elle allait générer. Ils ont donc décidé d’en faire un cheval de bataille électoral, multipliant les charges contre elle.
Plus surprenant, les travaillistes s’y sont mis aussi, flairant que rester aligné sur le maire de Londres pourrait leur coûter des voix. Keir Starmer a clairement attribué la défaite à Uxbridge à la mesure controversée. Ainsi, à la première contrariété, le Labour voue aux gémonies une mesure anti-pollution, pourtant approuvée par une majorité des Londoniens déjà concernés. Certes, Starmer, aussi social-libéral que peut l’être un leader travailliste, est loin d’être un activiste climatique. Cet opportunisme flairant bon l’individualisme voituro-centrique n’en est pas moins atterrant.
Sans surprise, il n’en fallait pas plus pour encourager les opposants à l’ULEZ : des centaines de caméras de détection des plaqués minéralogiques, indispensables au dispositif, ont déjà été détruites dans la région de Londres ces derniers jours, des vandales se faisant appeler Blade Runners promettant de poursuivre le mouvement.
On reproche souvent aux entreprises cotées de déterminer leur stratégie avec pour seul compas leurs prochains résultats trimestriels. Mais voir des politiciens louvoyer à chaque échéance électorale et se montrer prêts à sacrifier des engagements environnementaux et climatiques pour remporter le prochain duel est au moins aussi décourageant. Bien que l’ULEZ ne soit pas un dispositif parfait, elle a le mérite d’exister et de s’attaquer à bras le corps à un problème qui rend malades des dizaines de milliers de Londoniens et en tue 4 000 chaque année. On savait déjà à quel point l’action climatique est incompatible avec les surenchères démagogiques et électoralistes. Cette triste pantalonnade enfonce le clou.