Il faudra un jour se pencher sur les titres des peintures, et au-delà des expositions, d’Imi Knoebel. Avec leur part d’humour, d’ironie qui ne fait pas halte devant l’auteur lui-même, d’interpellation de celui qui regarde. À choisir la plupart du temps entre plusieurs interprétations possibles, très directes les unes, mais le premier impact passé, cela peut mener très loin. Et cetera, tel est le titre de l’exposition ouverte la semaine passée à la galerie Bärbel Grässlin, Schäfergasse, à Francfort, ce qui peut vouloir indiquer que l’artiste n’est pas près, tant s’en faut, de baisser les bras. Au contraire, voilà un ensemble de quelque vingt-cinq pièces, de l’acrylique sur aluminium, courant sur deux rangées, les formats les plus grands en bas, plus réduits en haut, le long des quatre murs ; et dès le premier regard, sur les deux files, comme une farandole de couleurs, de peinture faite de tous les gestes, dans une extrême liberté. Ce qui s’était annoncé, une picturalité plus accentuée, le voici dans son exubérante richesse. Sans que soit perdue, le moins du monde, la netteté propre à cet artiste, précision et clarté.
Et cetera, le mot renvoie à une suite, donc un grand nombre, en même temps en indique le caractère incomplet (choix de l’exposition). Et un esprit littéraire d’aller vers ces feuilletons, romans découpés en publiés en tranches, qui apparaissent vers 1830 dans les journaux ou périodiques à grand tirage. Et du roman-feuilleton à la série télévisée il n’y a qu’un pas, et aujourd’hui, dans cette nouvelle exposition d’Imi Knoebel, on aboutit à une narration purement picturale.
Des panneaux d’aluminium, avec leur effet d’objets, découpés de façon irrégulière, des fonds eux-mêmes travaillés par le geste de l’artiste, aux nuances diverses, aux réverbérations séduisantes, aux profondeurs mates, et là-dessus, venant animer une surface qui a déjà son propre éclat ou alors s’avère un support de grande force, des lignes, des formes, tout ce que l’imagination peut inventer, se faire répondre, correspondre ou opposer, dans une aire limitée. Cela flotte, cela se pose, se construit, tantôt ça reste ouvert, tantôt ça se ferme, et des parties retiennent particulièrement, de vigoureuses et intempestives marques aboutissant à une belle concentration ou densification spatiale. Il est de la sorte beaucoup de mouvement dans ces peintures, du vivant, un élan certes retenu dans les limites, sur le point souvent de ne pas s’y cantonner. De la tension jouant de l’attrait de la rupture. Imi Knoebel, dans ces pièces qui s’apparentent sans doute aussi à des exercices spirituels, au sens des philosophes antiques, c’est-à-dire une pratique destinée à transformer la manière de voir et de rendre les choses, en l’occurrence de la peinture, nous fait aller des unes aux autres, trouver telles correspondances, telles originalités. Et cet artiste, faisant toujours fi de toute représentation, jadis et naguère nous confrontant avec l’extrême rigueur, nous surprend ici et maintenant par son enjouement incessant. C’est un enchantement que pareille opulence de couleur, pareille ressource formelle. Une découverte à tous les instants.