Un grand rendez-vous d’art contemporain, SaarART 2023 propose de rencontrer le travail de 62 artistes allemands, mais aussi luxembourgeois et lorrains, dans onze institutions différentes de Sarrebruck à Saint-Wendel, en passant par Neunkirchen et Merzig. Un parcours inédit à découvrir jusqu’au 17 septembre.
Pour la première fois et sous l’impulsion d’Andrea Jahn, directrice artistique du Saarländischer Kulturbesitz, fondation du patrimoine culturel sarrois, et de la Moderne Galerie du Saarlandmuseum, des artistes de la Grande Région (Luxembourg et Lorraine) ont été sélectionnés pour exposer. Quatre thématiques ont été retenues : l’identité, l’éphémère, la conception de la beauté et l’isolement.
Peninsula
L’isolement, parlons-en ! Le Kollektiv Bremm a choisi de lui donner une résonance toute particulière, en plongeant le spectateur dans cette zone tampon entre Allemagne et France, devenue un no man’s land sur la Bremm, avec ancien poste de douane déserté et camp de la gestapo. On peut ainsi y découvrir Schlafende Zöllner (2007) du Kollektiv. Un lieu réinvesti qui est aussi l’antienne des travaux des artistes Mane Hellenthal et Ulrich Behr avec Peninsula (2023), fresque murale qui donne une toute autre vision du lieu. Dans leurs travaux communs portant sur l’espace public, Mane Hellenthal et Ulrich Behr s’intéressent à des objets de conversion comme des anciennes casernes ou des postes frontières, entre autres. Ces lieux sont réinterprétés, par leurs interventions, de manière métaphorique et revivent temporairement. Tandis que le travail de Lukas Ratius met, lui, l’accent sur ses observations documentaires au travers de la photographie. Dans le travail Auch Nomaden machen Rast (Les Nomades aussi font des pauses), Lukas Ratius s’intéresse aux chauffeurs de poids lourds et à leur manque sur le marché européen. L’énorme pénurie est comblée par des travailleurs immigrés d’Europe de l’Est, d’Ukraine, du Kazakhstan et même du Pakistan et de l’Inde. Les conditions de travail sont dures et la relation de dépendance des chauffeurs vis-à-vis de leur employeur est énorme. Les rapports sur les conditions de travail précaires se multiplient, l’intérêt du public pour la situation des personnes concernées est faible. Lukas Ratius s’en empare avec ses photographies.
Féminité pop
Une autre thématique de cette édition SaarART 2023, la conception de la beauté, se retrouve chez une peintre cette fois-ci. L’artiste Darja Linder, installée en Allemagne. Dans une explosion de couleurs l’une de ses œuvres joue sur le thème de l’autoportrait. Jeune femme écartant nonchalamment les cuisses et envisageant de manière crue le spectateur, le tableau présente une féminité pop, à l’image des questions qui peuplent l’identité et les normes assignées aux femmes à une époque donnée. Élodie Grethen interroge aussi ces normes à travers son Odalisque (2022). Inspirée d’Ingres, la colonne vertébrale du protagoniste du tableau semble s’allonger à l’infini. À Merzig, au Museum Schloss Fellenberg, Stefan Zöllner produit un cabinet de curiosités, agrégat d’objets trouvés, étrange et intriguant. L’édition SaarART 2023 s’envisage comme une balade, reflet et découverte de la création artistique contemporaine. Les différents lieux décrivent un parcours éclectique qui n’en garde pas moins sa cohérence d’ensemble : comment penser un monde en grande mutation ? Se l’approprier par l’art.