L’exposition À vol d’artiste, Luxem[-]bourg-Salzbourg, actuellement à l’Espace Monterey de la BGL BNP Paribas sous le patronage de Thomas Oberreiter, ambassadeur désigné d’Autriche à Luxembourg, est le fruit de la deuxième collaboration entre le Land de Salzbourg et le Ministère de la Culture luxembourgeois. Quatre artistes autrichiens et trois artistes luxembourgeois, sélectionnés par Dietgard Grimmer (du Traklhaus à Salzbourg) et par Lucien Kayser, montrent des œuvres aux techniques variées (dessins, peintures, photographies, sculptures et papier peint). L’exposition est à comprendre plus comme un état des lieux de la création artistique de la jeune génération luxembourgeoise et autrichienne que comme une tentative de vouloir rassembler des artistes sous un thème quelconque. À part Elisabeth Czihak (née en 1966), les artistes sont en effet tous nés entre 1974 et 1980.
Du côté autrichien, on peut ainsi voir des dessins muraux et des photographies d’Elisabeth Czihak, des dessins et des objets en papier géométriques de Birgit Knoechl, des aquarelles aux couleurs réduites très claires, voire transparentes, de Gabriele Chiari et des objets-sculptures énigmatiques de Kay Walkowiak. Regroupés sous le titre Shape of the black line, les travaux de Birgit Knoechl s’inspirent de la formation cristalline. Les objets en papier, plié et ensuite enduit d’une couche de latex, et les dessins à l’encre noire prennent des formes aux angles aigus. Les dessins sont aussi fins et méticuleux que la cristallogenèse naturelle est complexe et lente. Pour les connaisseurs du travail de Knoechl, il est intéressant de comparer cette série à celle, plus ancienne, des dessins et des sculptures en papier reprenant des formes végétales, plus souples et moins rigides que la géométrie abstraite.
Dans son œuvre Chinoiserie, Elisabeth Czihak s’intéresse à la transformation urbaine, notamment des villes chinoises. Elle présente ses photographies de chantiers, d’endroits désertés ou de lieux destinés à disparaître et à réapparaître sous une nouvelle face sur un papier peint décoré d’un ornement chinois typique que l’on trouve sur les portes et les fenêtres de maisons en Chine. La lecture des photographies, toutes très fortes grâce à leur construction fondée sur des lignes géométriques, se fait ainsi d’après une trame préétablie par l’artiste. L’œuvre de Czihak constitue une sorte de documentation d’une Chine en pleine mutation.
La jeune génération d’artistes luxembourgeois est représentée par Isabelle Marmann, Roland Quetsch et The Plug. Marmann présente des dessins délicats et simplifiés qui s’appuient sur l’illustration de livres ou la bande dessinée. Ses dessins, inspirés de la littérature et des peintures et estampes japonaises regroupées sous le nom de « ukiyo-e », reflètent une histoire qui se raconte sous les yeux du spectateur, une histoire qui peut cependant aussi être interprétée et racontée par le spectateur lui-même. Ce qui est intéressant dans la méthode de Marmann est qu’elle ne revient pas sur ses dessins. Sa méthode est en conséquence contraire à celle des nouvelles technologies, où le « undo » permet de retravailler à l’infini un dessin ou un texte. Roland Quetsch expose trois tableaux abstraits de sa série p.o.s.b. (« part of something big »). Alors que p.o.s.b. Nr 48 est un tableau qui se rapproche du monochrome noir, p.o.s.b. Nr 58 et p.o.s.b. Nr 62 sont dominés surtout par un jeu de contraste entre le jaune et le noir et blanc.
Les trois œuvres de la série Fate will tear us apart de The Plug sont formées par des tubes de néons accrochés au mur. À première vue, ces travaux ressemblent à un Bruce Nauman abstrait, à un Dan Flavin ou à un François Morellet. Cependant, The Plug a commencé sa carrière artistique par le street art et il travaille souvent avec des personnes en état de déréliction sociale. Ainsi, les formes des tubes de néon représentent la ligne de vie de mains de prisonniers et forcent le spectateur à une réflexion sur l’équité du système social.
La diversité des techniques et des formes plastiques des œuvres exposées permet au spectateur de tracer son propre parcours à travers l’exposition et de découvrir à son compte quelques-unes des nouvelles positions artistiques autrichiennes et luxembourgeoises.