Dans le cadre de l’exposition Continuum, la Galerie Zidoun accueille les œuvres de Julie Tremblay, jeune artiste canadienne qui s’intéresse à l’être humain et à la société. La première œuvre qui capte le regard du spectateur est une figure humaine, grandeur nature, en métal rouge qui plane dans l’espace (Bright Red de 2008). Accrochée au plafond, la sculpture se tord en arrière. Elle fait partie d’une série de figures que Tremblay réalise à partir de résidus de feuilles métalliques destinées à créer des bouchons de bouteille. Ces figures, souvent dans des poses emblématiques – suspendues au plafond, longeant les murs, courbées ou mélangées à des formes géométriques – analysent le rapport que l’individu entretient avec lui-même, avec son autre et avec la société.
Bright Red se compose de plusieurs couches de feuilles métalliques trouées. En regardant la figure de près, on constate que son intérieur est en métal rouge avec du blanc et que l’extérieur est formé uniquement de feuilles rouges monochromes. Julie Tremblay a agencé les plaques de métal délicatement, de façon à obtenir une semi-transparence, la construction en métal originelle restant visible. Les feuilles de métal, avec leurs trous, peuvent être considérées comme un réseau, voire un système nerveux ou capillaire, qui se structure autour du squelette.
On peut identifier la même construction dans la figure Balancing Act (de 2008). Ici, deux figures sont collées contre le mur et accrochées l’une à l’autre par les bras, l’une d’entre elles soulevant l’autre sur son dos. Les deux figures ne sont cependant chacune qu’une moitié de corps, l’autre moitié se fondant invisiblement dans le mur. Dans un acte de balancement, les deux êtres en métal se complètent ainsi mutuellement.
À l’arrière-fond de la salle d’entrée de la galerie, Julie Tremblay a également collé des plaques de bouchons de bouteille au mur. Au premier coup d’œil, cette installation peut paraître assez minimaliste et sobre. Cependant en se déplaçant face au mur, on remarque que l’artiste a superposé deux plaques de façon à créer un motif de rosaces, accentuant ainsi le motif en filigrane des sculptures en métal. La récupération artistique de matériaux fabriqués industriellement renvoie à la société de consommation dans laquelle nous vivons. Les bouchons en métal sont destinés à l’origine à des bouteilles de bière ou d’une autre boisson gazeuse. Dans ce sens, les trous dans les feuilles métalliques reflètent les bulles d’air et confèrent aux sculptures une certaine légèreté, malgré leur apparence tendue et le poids du métal lui-même.
Dans la deuxième salle de l’exposition, un autre visage de l’œuvre de Julie Tremblay nous est révélé. Deux sculptures, l’une en cire, l’autre en plâtre, thématisent (toujours) l’être humain, mais d’une manière davantage ironique. Walk on the wild side (de 1999 à 2003) est composé d’un bras en cire attaché au mur ; ce bras porte un coffre dans lequel on perçoit deux pieds, également en cire, en train de marcher. La sculpture en plâtre, Mariage (de 2003), représente un être moitié humain, moitié meuble assis sur une chaise. Les deux jambes et le ventre débouchent sur un abat-jour retourné, la tête étant remplacée par un trou, c’est-à-dire le vide. Les pieds de la sculpture semblent se détacher du reste de la figure ; les morceaux de papier qui forment les orteils rappellent à la fois l’impossibilité de marcher et le bandage médical.
Les figures ou parties de corps sont inhibées dans leur marche, voire dans leur progression perpétuelle. Et pourtant, dans Walk on the wild side, une main transporte les pieds et se substitue ainsi à eux dans leur fonction. On retrouve là la légèreté des figures en métal. Julie Tremblay analyse à travers ses figures humaines, métaphores de la vie, le parcours qu’une personne poursuit dans le monde extérieur tout comme dans son propre monde intérieur. Ce parcours sera toujours continu, comme le titre de l’exposition le suggère. Bien que la taille modeste de la galerie ne permette pas d’exposer un échantillon plus vaste de sculptures, les œuvres choisies donnent une image représentative du travail de cette jeune artiste prometteuse.