Pour ses œuvres, Mac Adams s’inspire de l’univers mystérieux des films noirs, des romans policiers et de la culture populaire. L’exposition que le Mudam lui consacre n’est pas sans susciter un sentiment d’inconfort auprès du spectateur qui est englobé dans un monde où règnent le meurtre, le viol et la trahison. Elle incite cependant aussi à une réflexion sur le médium de la photographie, le médium par excellence pour thématiser les frontières floues entre fiction et réalité.
Dans son installation Passenger (1978/2000), Mac Adams (né en 1943 à Brynmawr au pays de Galles) met en scène une magnifique Harley-Davidson sur un carré de terre versée sur le sol du musée. Le phare allumé de la moto attire immédiatement l’attention. À côté de la Harley, des vêtements de femme, des photos, un téléphone portable et un porte-monnaie jonchent le sol. Un sac à dos renversé et la moto abandonnée esquissent un événement sinistre qui vient tout juste de se produire. L’absence des personnes impliquées dans l’action intrigue et pousse le spectateur à se poser la question : qu’est-ce qui s’est passé ?
Dans sa série Post-Modern Tragedy, composée de photographies d’objets chromés dont le reflet révèle à chaque fois une scène violente, Mac Adams approfondit le clivage entre ce que l’on perçoit et ce qui s’est réellement passé. Ainsi, The Party (2009) est une photographie d’un vase réfléchissant avec plusieurs courbures. Dans les reflets multiples, on voit un homme qui tient un revolver dans sa main et une femme avec une bouteille d’alcool à l’arrière-fond. L’association des objets de design chromés et brillants et du côté obscur de l’être humain exprime la critique de la société de consommation faite par l’artiste.
La mise en abyme de la scène grâce au reflet est aussi une référence aux peintres flamands du XIVe siècle, tels que Jan van Eyck, Quentin Metsys, Petrus Christus ou Hans Memling, qui se sont servis du reflet spéculaire pour pouvoir dépeindre un deuxième tableau dans la scène principale et pour porter ainsi la lecture du tableau à un autre niveau d’interprétation. De plus, la taille réduite des reflets force le spectateur à se pencher sur l’image qu’il est en train de mirer. Mac Adams le contraint donc à devenir témoin de la scène de crime et à reconnaître en lui l’instinct de voyeur. La bonne visibilité des photographies souffre toutefois d’un éclairage mal placé par le Mudam, l’ombre du spectateur étant projetée sur certaines parties des images.
Une mise en scène plus élaborée du crime – ou de ce qui pourrait être un crime – peut être discernée dans la série Still Life, dans laquelle c’est le reflet qui propose les indices nécessaires à la compréhension de l’action qui vient de se dérouler. Sur la photographie Still Life with Lichtenstein (1977), on voit un miroir brisé, un livre avec des reproductions de Roy Lichtenstein, un bidon contenant de la térébenthine, un flacon médical, des pilules ainsi que le bras de quelqu’un couché par terre qui se prolonge hors cadre. Dans le reflet, le présumé mort tient pourtant deux pilules et le flacon les contenant dans la main. La réalité ne s’accorde donc pas avec la scène dans le reflet, renvoyant à un monde au-delà.
Les (re)constructions de scène complexes de Mac Adams rappellent le principe de narration suggestive des œuvres de Cindy Sherman et de Duane Michals. Chez Mac Adams, le détail joue un rôle crucial dans le décodage de l’image. La lecture de la scène ne se fait qu’à partir d’indices et c’est au spectateur d’imaginer ce que l’artiste a voulu exprimer. D’autres œuvres de Mac Adams fonctionnent comme diptyque ou triptyque et sont fondées sur le vide narratif. Port Authority (1975) par exemple, se compose de deux images dont l’une montre une femme adossée contre un arbre et une main qui lui tend une cigarette. Sur la deuxième photographie, un homme est agenouillé auprès de consignes automatiques et emballe la robe de la femme dans un sac. Il porte le même bracelet et la même bague que la main sur l’image de gauche. La femme, cependant, est absente. Disparue, violée, tuée… ?
Pour l’œuvre The Third Swan (2009), l’artiste a eu recours à deux photographies de meurtre issues d’archives de police. Il leur associe une troisième photographie, réalisée par lui-même et montrant deux mains de femme tenant un cygne en papier. Les photos d’archives sont quant à elles retouchées numériquement par Mac Adams qui y a ajouté un cygne en papier. L’association de ces trois images, c’est-à-dire de faits réels et d’éléments imaginaires, remet en question la valeur documentaire et véridique du médium de la photographie. La violence des scènes de crime reflète de plus la violence que peut provoquer la manipulation des images et le pouvoir que les photographies exercent sur notre société à travers leur publication dans les médias.