À la fin, il atterrit dans les bras d’une femme, et c’est là qu’il s’arrête, qu’il trouve son calme. Mais avant cette catharsis, Thierry Besseling, cinéaste et critique (entre autres pour le Land) qui incarne son propre rôle dans le film, aura été bousculé, chamboulé, enfermé, chamaillé, ignoré, perdu. Katharsis est un film autobiographique et une recherche formelle à la fois : tous les personnages qui interviennent dans cette chorégraphie muette filmée par un long plan-séquence sont réels, de la masse des gens qui l’ignorent au début, et qu’il traverse à contre-courant, à ses copains, amis, amours (déchues ou actuelle), famille... Et des relations professionnelles qui l’aiguillent depuis la fin de ses études, au début de son parcours professionnel – c’est certainement l’âge le plus difficile pour un jeune adulte, lorsqu’il doit trouver sa voie.
Ceux qui connaissent un peu les milieux des arts et du cinéma y reconnaîtront la productrice Anne Schroeder, qui l’oriente ici, avec son coréalisateur Loïc Tanson, puis le troisième, Rui Abreu, qui sont en train de tourner Eldorado, un documentaire sur l’immigration portugaise au Luxembourg, à paraître chez Samsa. Ou le groupe Inborn !, dont il a documenté le périple américain, et le commissaire Christian Mosar, qui l’a sélectionné pour cette exposition Open Season 3, actuellement à l’espace Monterey de la banque BGL-BNP Paribas à Luxembourg. Mais peut-être qu’il n’est pas forcément nécessaire de reconnaître les protagonistes et leurs rôles pour saisir les symboles et les gestes d’une performance très théâtrale, on perçoit immédiatement la fragilité du personnage, perdu dans ses interrogations et ses doutes. On aurait juste aimé voir le film en meilleure qualité de projection, en grand format et dans l’obscurité pour vraiment l’apprécier.
Car cet espace Monterey de la banque est très problématique pour exposer de l’art contemporain, le bâtiment, trop présent, visiblement pas conçu pour de telles expositions, s’impose trop avec ses grands vitrages, ses volumes encastrés, ses colonnes et sa moquette bleue. Wennig [&] Daubach (formerly known as Ownyourown) en jouent dans leur installation Management ist die schöpferischste aller Künste, die Kunst, Talente richtig einzu-setzen, qui, à première vue n’est qu’un empilement de boîtes en carton sur lesquelles sont sérigraphiées des lettres de toutes les couleurs, comme un grand jeu de construction. La citation de Robert Mac Namara, homme d’affaires américain, secrétaire à la Défense de Kennedy durant la guerre du Vietnam et président de la Banque mondiale durant les années 1970, n’est pourtant pas directement lisible, il faudrait pouvoir contempler les boîtes du haut pour pouvoir la comprendre. Là encore, un certain bagage donne une toute autre dimension à l’œuvre, qui, dans le contexte d’une banque, devient même carrément subversive.
Miikka Heinonen quant à lui propose une interprétation plus directe du thème du changement de taille et à la monumentalité : en tirant ses photos de personnages miniatures qui servent aux maquettes (un père et son fils, noyés dans de l’eau) à très grande échelle, il obtient une image troublante, où les moindres petits détails, comme les bulles d’air dans l’eau, prennent une importance visuelle primordiale, aussi troublante que ses mises en scène érotiques de Barbie et Ken photographiées en close-up.