Le charmant centre-ville d’Echternach semble désert. Il est vingt-heures vendredi dernier et il fait si lourd qu’on serait prêt à mendier le ciel pour une simple brise. Quelques heures plus tôt, une tornade a dévasté une partie du Sud du pays. Les premières vidéos commencent à être virales, on ne parle plus que de ça. D’importants orages ont aussi été annoncés dans l’Est, mais il en faudrait plus pour décourager les festivaliers du festival e-Lake, qui fête sa 24e édition cette année. Cela fait quasiment un quart de siècle que le lac d’Echternach est, quelques jours durant, l’épicentre musical du grand-duché. Il faut être un enfant du pays ou bien être muni d’un système de navigation sacrément performant pour arriver à destination du premier coup. Les quelques banderoles indiquant la route à prendre ne sont pas des plus fiables. Des navettes ont toutefois été prévues à travers tout le pays. Et puis, à l’arrivée, les frustrations se dissipent. On découvre un véritable village, équipé, sponsorisé à souhait et construit pour l’occasion. Entre les buvettes et les coins toilette, des Mercedes d’exhibition surplombent les badauds.
Sur la scène principale, du rock allemand, plat comme un trottoir de rue. On se rend donc aux alentours de l’Urban stage, réquisitionnée par les artistes du label luxembourgeois De Läbbel pour une session rap. Nicool est la première à monter sur les planches. Najaz alias Nadja Prange, l’accompagne. Leur musique plutôt lo-fi est plaisante. Du chill en guise d’apéritif, qui est à son meilleur sur le titre Wonnerprächteg Rees. Changement d’ambiance. On entend raisonner le générique de Buck Rogers, space opera assez méconnu, dont l’énergie un peu désuète fait sourire. Arrivent alors en trombe Hotrox et Harvey Dentist. Les deux compères originaires de Toronto mais basés à Amsterdam enflamment la scène. Ils mouillent le maillot comme si une foule se dressait devant eux. Complicité non feinte, jeu scénique maîtrisé et perches tendues au public. Pour l’instant, l’audience est encore timide, les pogos viendront plus tard dans la soirée. Maka Mc conclut la session.
Quelques averses ne gâchent en rien la fête. Les trois compères de Heartbeat Parade enchaînent. De la guitare électrique hurlante, une basse vrombissante, des cascades au piano ponctuelles, leur musique accroche. Les acrobaties scéniques viennent compenser les aléas techniques réguliers. S’ensuit un set signé De Läb, des habitués du festival. Vers une heure du matin, l’affluence atteint son paroxysme. Devant la scène principale, un champ noir de monde. Les foodtrucks sont pris d’assaut tout comme les différentes attractions proposées. La soirée se termine par une performance signée The Disliked.
Le lendemain, la musique électronique est à l’honneur. Une vingtaine de DJs vont se succéder de quinze heures à trois heures du matin, et plus si affinités. Le parking payant se remplit. Dans le camping afférant au festival, des tentes à perte de vue. L’entrée est sérieusement contrôlée. L’excuse de la presse n’y changera rien. Impossible d’aller à la rencontre des autochtones sans permis. Le site est d’ailleurs bien surveillé. Dans les backstages, on parle d’une quarantaine d’agents en civil, de drones et de caméras de surveillance dans les arbres. Aucun débordement n’est à déplorer. Les jeunes qui profitent de la musique dans l’ivresse ne mordent pas.
En face de l’Urban stage, une procession commence. Non pas celle reconnue par l’Unesco, mais celle des teufeurs, tout aussi folklorique. Ambiance rave party sous un soleil de plomb graduellement couvert. Certains font leurs emplettes dans le marché éphémère. S’émanent de la scène principale des relents de morceaux electro house douteux, du type énième reprise de Bella Ciao. La foule semble acquiescer. Finalement, on ne vient pas tant pour la musique que pour l’ambiance. Et puis, l’entrée au festival est gratuite. Les festivités se déroulent ainsi sans trop d’encombres, jusqu’à dimanche au soir.