Des milliers de livres et une trentaine de personnes en sont témoins. Entre deux rayons de la librairie Alinéa, Benoît Martiny aux percussions et Michel Pilz à la clarinette basse donnent un concert promotionnel. Ces deux-là font la paire, et leur musique commune fait mouche à tous les coups. Leur performance aussi intimiste qu’enflammée marque le départ informel d’une soirée musicale incontournable. En ce samedi 27 juillet, la Vieille Ville se prépare à accueillir des milliers d’afficionados à l’occasion de la vingt-cinquième édition du Blues’n Jazz Rallye. Benoît Martiny, l’enfant terrible du jazz autochtone s’amuse. Il pose son pied gauche sur sa caisse pour créer des variations sur lesquelles Michel Pilz improvise avec élégance. Leur dialogue musical est ponctué par quelques gags, notamment lorsque Martiny se sert d’un jouet, un petit pistolet coloré qui une fois enclenché, simule un bruit venu tout droit d’un film de science-fiction. La partie de la clientèle, qui n’était à l’origine que de passage, est hypnotisée et reste finalement sur place une heure durant.
Quelques plus tard, dans le quartier de Clausen, la rue de la Tour Jacob n’afflue pas encore. Il est plus de 18 heures, les scènes et les stands sont installés et pourtant, la rue semble déserte. Il ne manquerait plus qu’un virevoltant passant en roulant dans le décor. Un cliché de western approprié puisqu’il représente généralement le calme avant la tempête. La tempête viendra bien plus tard. Pour le moment, au Melusina, Ernie Hammes et ses musiciens s’apprêtent à monter sur scène. Le trompettiste, vêtu d’un costume noir, est accompagné par une belle brochette de musiciens. Le set, lancé par Copy That, extrait de son album Evolution, est plutôt maîtrisé. La salle est encore témoin d’incessants va-et-vient, de personnes un verre à la main. Plus tard, David Laborier, Greg Lamy ou encore Michel Meis fouleront les planches de ce qui a autrefois été un temple du jazz.
À l’entrée des Rives, Kid Colling fait place comble. Sa voix chaude mais cassée est devenue incontournable des évènements blues autochtone. Plus loin, sur la terrasse du restaurant Mousel’s cantine, Joséphine Chloé et Éric Delblond interprètent à nouveau au Grand-Duché leur projet commun Dyas, qu’ils avaient déjà présenté lors d’un apéro-jazz à Neimënster, en novembre dernier. La première, lauréate du prix Andrée Chedid du Printemps des poètes 2018, chante d’une voix douce et joue d’un hang. Le second donne le la sur sa guitare basse. Leur complicité évidente couplée à leur musique aérienne venue tout droit d’une île paradisiaque, semble charmer l’audience de passage. La scène est placée au coin d’une rue et la musique est toutefois souvent étouffée par des bruits d’automobiles. Un personnage exubérant vêtu d’un chapeau est d’une barbe fournie, pose ses bagages au pied de la scène, se roule une clope, termine sa canette et entre sur la terrasse, embêtant au passage quelques clients. Il essaye de communiquer avec les artistes qui ne peuvent que lui répondre par un sourire crispé. Le Blues’n Jazz Rallye reste avant tout un lieu de rencontres, souvent insolites et celles d’avant minuit n’échappent pas à la règle.
Sur la Jazz on the green stage, Arthur Possing au piano, accompagne Valérie Graschaire, aux scats impeccables. Pendant ce temps, sur le parvis de l’école de Clausen, les Horses Blinders se démènent. Il est 21 heures passées et le chemin partant de la rue Saint Ulric jusqu’à l’allée Pierre de Mansfeld est envahie comme chaque année. L’ambiance est présente de la place Sainte Cunégonde jusqu’au Pfaffenthal, où les Belges de Black Cat Biscuit monopolisent l’attention des nouveaux arrivants qui sortent de l’ascenseur panoramique.
Des scènes plus ou moins grandes, des artistes plus ou moins expérimentés, de la musique plus ou moins bonne. La palette est large. On entend du rap ici, du rock quasi métal et du reggae pur jus un peu plus loin. Le Blues’n Jazz Rallye devrait s’assumer. Plutôt qu’un festival de jazz et de blues, l’évènement est en fait un festival généraliste. Plus de 200 musiciennes et musiciens se suivent et la frénésie ne fait que s’accentuer les heures durant.
Après minuit, vers une heure du matin, le public du rallye a laissé place aux fêtards du samedi soir qui viennent encore aux Rives, bien qu’elles déçoivent encore et toujours. Mais ça, c’est une autre histoire. Nouveaux arrivants, nouvelles rencontres. On se réfugie à nouveau au Melusina, où l’euphorie a pris ses quartiers. Pol Belardi accompagne le Ara Sextet au vibraphone. Le son laisse à désirer, mais la musique est bonne et puis, la fatigue et les breuvages servis accentuent les ressentis.