Il y en a qui ont arrêté, d’autres vont reprendre, et certains en sont encore à se demander quoi faire. On l’aura deviné, il est question de football, des championnats nationaux, arrêtés définitivement en France, dans le Benelux ; dès demain, au contraire, la Bundesliga reprendra, on va y revenir, alors que ça reste flou pour les Anglais, les Espagnols, les Italiens. Toutes proportions gardées, le football est ainsi à l’image du tintamarre général en Europe. Ajouterai-je que l’UEFA (à la commande au football) avait commencé par menacer les Belges, disant les bannir des compétitions internationales de club, pour céder après. Et Nyon (siège de l’UEFA) de ne pas tenir mieux ses troupes que Bruxelles.
Demain, samedi, les matchs reprendront donc en Allemagne. Des simulacres de matchs, à huis clos, que les gens pourront suivre sur le petit (ou plus ou moins grand) écran. Je n’en ferai pas partie, ayant pensé déjà en temps normal que la télévision trahit le jeu (contrairement à ce qui se passe au rugby qui se joue sur un espace plus réduit de la conquête du ballon). Un match de football à la télé vaut pour les moments passés dans les surfaces de réparation, les occasions de but (et de rares exploits techniques). Quant aux dispositions tactiques, ce n’est qu’exceptionnellement que les caméras embrassent le terrain entier.
Pas de spectateurs, des « Geisterspiele ». Ou alors, astuce des supporteurs de Mönchengladbach par exemple, des rangs remplis de leurs effigies en carton, en bois, grandeur nature. Ce qui est tout bénef pour les arbitres, au moins ils ne se feront pas injurier. Imaginons autre chose, là encore ils en profiteront. La distanciation physique, les gestes barrière, plus de contact, plus de rudesse, et pourquoi pas une répartition sur le terrain inspirée du football de table, le contrôle du ballon, la précision de la passe, du tir primeront. Un moment, on voulait faire jouer avec des masques, ah, si Rijkard en avait porté un en 1990. Côté crachats toujours, le Belge Michel d’Hooghe, président de la commission médicale de la Fifa, par ailleurs opposé à une reprise, par souci de la santé des supporteurs aussi, prêts à se rassembler n’importe où, évoque un carton jaune pour les joueurs qui cracheront sur la pelouse.
La crise change le football. Le Board, gardien des lois, admet jusqu’à la fin de 2020 (pour le moment) cinq remplacements par match au lieu de trois, et un sixième dans les prolongations. Bagatelle, face au bouleversement causé par la financiarisation du football, avec les droits TV, les fonds de pension et d’investissement, le trading des joueurs qui ramène quasiment au temps de l’esclavage (bien rémunéré, certes, pour certains, pas pour tous).
Les groupes ultra (pas toujours condamnables) de supporteurs français dénoncent « la brutale cupidité, l’insupportable indécence » ; pour eux, ce football « coûte que coûte » est un football de honte, qui n’aura aucun lendemain. Il faut le souhaiter, on ne peut en être sûr. D’où la justesse de l’interrogation de l’Autrichien Armin Thurnher, de l’hebdomadaire viennois Der Falter, dans sa « Seuchenkolumne » du 15 avril dernier : « Warum fehlt er mir so wenig? Weil er inflationiert wurde, zum Merchandising- und Kommerz-TV getriebenen Spektakel, visuell zerstört in Konferenzen, zu Tode gequatscht und in seinen Spitzenausformungen ein obszönes Beispiel für eine Gesellschaftsordnung, die nicht mehr auf den schlanken Säulen der Gerechtigkeit ruht, sondern aus diesen Säulen ihre Refugien auf dem Volk unzugänglichen karibischen Inseln gebaut hat. »
C’est rare, non, une addiction dont on guérit sans trop de mal, assez vite. Avec en plus l’occasion d’un pied-de-nez aux parrains à la Bach et Infantino (il faut leur donner à lire l’historien néerlandais Huizinga rattachant le jeu à la culture, non aux affaires), et à un moindre acabit aux Becca et Lopez.