Le film ne dure que six minutes, pas plus, mais Mad Mieter, le dernier court métrage du duo M+M (Marc Weis et Martin De Mattia) a une telle intensité que le temps ne compte plus. Bien plus, très classiquement (en termes de théâtre), il la tire de son extrême unité, de temps justement, de lieu, d’action, et même sans lunettes 3D, le film a recours à cette représentation d’images en relief, nous voici plongés à nos risques et périls, pour notre plus grand plaisir esthétique, dans l’espace et l’événement oppressants en question.
L’appartement que nous découvrons appartient à une maison de poupée, la reconstitution en est on ne peut plus authentique, c’est bourgeois, et a priori rien d’inquiétant. Les choses changent avec le locataire, bien insolite en effet, une mante religieuse, voilà une comédienne rare, peu obéissante aux ordres du metteur en scène, c’est dire la patience et le travail, le nombre de prises de vue, et en même temps que M+M il est juste alors de mentionner et de féliciter le directeur de la photographie Sebastian Cramer.
Notre insecte semble s’être bien installé, peut-être qu’il ressent un peu la solitude, du moins jusqu’à ce que survienne de la concurrence. Une première approche peut paraître délicate, mais ça s’envenime, et au bout, c’est le drame. Est-ce la rivalité, la jalousie, on ne sait trop, par ailleurs que les mantes religieuses femelles, il leur arrive fâcheusement de dévorer, comme tout autre animal qui s’approche, le mâle pendant ou après la copulation.
En tout cas, dans Mad Mieter, le combat, la lutte sont très vite sans merci, les pattes bougent, agrippent, retiennent, elles méritent bien le qualificatif de ravisseuses, les piques, elles, accrochent définitivement. Ballet cruel, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Nous sommes dans l’horreur, en même temps les images nous rappellent, sexualité aidant, et beauté pour de vrai convulsive, l’intérêt des surréalistes pour les mantes religieuses. Allez voir dans la foulée la sculpture grandiose de Germaine Richier. Pour le film, on évoquera Bunuel, Hitchcock, Polanski.
Normal donc que Mad Mieter se situe entre art et cinéma, ou plutôt des deux côtés. Et fasse de la sorte son chemin dans les musées, Villa Stuck, à Munich, ou Sprengel, à Hanovre, et parte pour un large tour dans les festivals de cinéma européens, voire mondiaux (New York), de Budapest à Clermont Ferrand et Paris. Dernièrement, en novembre, ce fut Florence, au nom très signifiant de Lo schermo dell’ arte.
« To face us with our own nature », dit un commentaire au sujet du court métrage. C’est dû bien sûr en premier à l’anthropomorphisme de la mante religieuse, il est ses attitudes, ses comportements qui ne sont pas étrangères à l’homme. Et que la pandémie soit venue là-dessus, avec l’isolement souvent, une exacerbation de l’agressivité des fois, n’a fait ces derniers temps qu’accentuer le caractère de fable de Mad Mieter.