Ce qu’on verra sur les deux sites, concerne en particulier la représentation de la figure humaine, et ce de 1945 à aujourd’hui, par des artistes autochtones ou vivant au grand-duché. La BnL, détentrice du dépôt légal des imprimés, compte quelques 2 500 gravures et estampes de 250 artistes tandis que le MNHA, possède sa collection propre, même si l’ensemble des expositions regroupe indifféremment des pièces appartenant à l’une ou l’autre institution. L’idée de cette exposition est née de l’intérêt que porte le directeur Michel Polfer à l’association L’empreinte. Créé en 1994, elle permet aux artistes d’exercer dans un atelier mis à disposition depuis 1996 par la Ville de Luxembourg, et possédant les outils et machines nécessaires à l’exercice de la gravure.
Le caractère de cabinet précieux de l’espace d’exposition dans la BnL flambant neuve, sied parfaitement à l’accueil des deux premiers volets de l’exposition Le corps en action et L’homme dans la société. Cet écrin, dans le nouveau lieu d’étude et de diffusion culturelle, valorise le travail scientifique, de conservation et des explications techniques accompagnent les pièces présentées, jusqu’aux éléments biographiques des artistes. C’est au MNHA, dans l’aile Wiltheim dont on pourrait dire symboliquement que l’accès quasi secret favorise l’effet de découverte, que l’on trouve les deux autres volets, Portrait et Nu.
La pratique actuelle de l’estampe connaît, on va le voir, un regain d’intérêt auprès de la jeune génération d’artistes après une période de « désamour » légitime du marché de l’art dû à l’excès de tirages d’artistes et non des moindres. On trouve au MNHA, curieusement adjoint un sous-titre, « Art contemporain », à un sous-ensemble, comme s’il était besoin de le préciser… Dans cette section, voici une étonnante Motivation (typographie blanche cernée d’orange, sur fond de boule ou de mappemonde verte, sérigraphie sur coton, 1998) du regretté Michel Majerus (collection privée), une Leda 1 de Fernand Bertemes (sérigraphie, 2007, prêt de la BnL) qui rejoint les meilleurs affichistes du XXe siècle et côtoie un excellent Patricia Lippert de la bonne époque (1987-88, collection du MNHA, réalisé avec les enfants de Betzdorf) ou encore cette très belle Femme assise, de Moritz Ney (sérigraphie non datée, coll. BnL), qui clôt la section Nu.
Personnellement, on avoue un faible pour l’introduction au MNHA, d’avant la date « officielle » de la période exposée. Voici une Tête de femme expressionniste de Joseph Kutter, clamant plutôt qu’elle n’illustre un numéro des Cahiers luxembourgeois de 1927 « l’art des jeunes », un superbe ex-libris art-déco de Dominique Lang (eau-forte, 1917) et une très émouvante lithographie de Pierre Blanc (1872-1946), Souvenir de l’année de guerre – Die Hamsterer, qui fait quasi ressentir les difficultés de la population civile durant la Première guerre mondiale, tout comme le puissant trait noir et blanc de Foni Tissen (1909-1975), évoque encore en 1947, le rêve d’Évasion durant le deuxième conflit mondial.
Diane Jodes est une artiste contemporaine, de l’association L’empreinte, (elle est née en 1964), que l’on retrouve aussi bien exposée au MNHA qu’à la BnL. On passe ainsi de The Ancestors, un travail qui mêle gravure et photographie (photopolymère de 2017) au très beau triptyque qui dans la même veine de superposition de personnages et de motifs décoratifs, rend hommage à Degas, Cito et Bartoldi (gravure sur linoléum). La section Le corps en action, présente en un accrochage habillement superposé, les couleurs éclatantes de Fernand Roda et Michèle Koltz-Chédid (sérigraphies des années 1980 et 1990), tandis que le travail volumétrique puissant des sculptures de Lucien Wercollier s’évanouit quasiment dans un gaufrage blanc sur blanc de 1978.
À la BnL, on boucle en quelque sorte la boucle de l’engagement politique, passant du début de l’exposition au MNHA – Kutter, Lang, Trémont, Klopp étaient nés au 19e siècle – à des artistes travaillant sur les aspects de la vie et les conditions sociales au 20e siècle. Voici des sérigraphies de René Leches (1927-2007), qui évoquent en grands aplats de noir et blanc, une enflammée Partie de cartes (1976) et les racontars de Deux Mégères (1962). Berthe Lutgen (1935), dans les années 1970, réussit d’excellents montages, où technique et formes post-Mai 68, dénoncent la condition féminine. Elle fait preuve ici d’une efficacité visuelle où la rejoint l’hiératique trilogie de la jeune Julie Wagener (née en 1990), qui empreinte à l’iconographie lisse de la Vierge au Manteau. Cette réinterprétation « gothique » réalisée en 2017, dégage, avec ses attributs hors du registre religieux, une puissance féminine bien de notre époque. Elle est disposée en vis-à-vis de la fixité des personnages de Marc Frising (1960). L’effet, comme dans la photographie de studio à ses débuts, fait forte impression dans The eternity of a child’s dream (2009). S’ouvre ainsi une page nouvelle de l’estampe en tantque pratique et moyen qu’expression contemporain.