La galerie Nosbaum Reding célèbre en quelque sorte un double événement avec l’exposition Squint : elle fête ses vingt ans d’existence et elle invite le peintre britannique Michael Simpson de 81 ans, à rejoindre son « écurie ». Cette remarque n’est pas anodine, puisqu’elle signifie, au-delà de l’expression consacrée qui veut que « le talent n’a pas d’âge », qu’Alex Reding persévère dans sa quête au long cours du travail pictural d’excellence, une constante de la galerie.
Voici donc la rigueur des éléments architecturaux comme motifs de peinture. Le sujet absolu de Michael Simpson. Si les Squint exposés dans l’espace principal de la galerie portent les numéros de série de 71 à 76, vérification faite, c’est que l’artiste travaille depuis une dizaine d’années sur le sujet du « trou aux lépreux ». Une ouverture discrète, dans un mur des églises catholiques du moyen âge, qui permettait aux exclus mais aussi aux reclus voire à la noblesse qui voulait préserver son anonymat, d’assister à une messe. Pour ce thème, Michael Simpson s’est vu récompensé en 2016, par le prix John Moores et quelques-unes de ses grandes œuvres (230 x 108 cm) figurent désormais dans les collections de la Tate Modern à Londres.
On ne sait pas d’où vient le goût de Michael Simpson, né en 1940 d’un couple anglo-russe, pour cet élément des édifices sacrés, ni pour le minbar, cet escalier servant aux imams à accéder à la chaire du prêche du vendredi dans les mosquées. Également un élément d’architecture religieuse très ancien, puisque ses origines remontent au neuvième siècle. L’hagioscope, terme savant désignant l’oculus percé de biais dans le mur, et l’escalier ou l’échelle figurent dans toutes les peintures de la série, combinés, comme dans Squint 71 (2020), ou sans échelle, pour devenir simple marchepied ou estrade dans Squint 72, 73 et 74. Le point de fuite de ces peintures, entre ce bloc de base et le rond ou rectangle de la fenêtre haute, se situe au centre « aveugle » de la toile, ce qui donc donne toute son importance à un élément architectural bidimensionnel de la composition : le mur.
Ces huiles sur toile sont quasi « ripolinées » par une ultime couche de surface, ce qui accentue l’aspect mural des œuvres, tandis que, quand une échelle est adossée, apparaît une dimension tridimensionnelle grâce à l’ombre portée. On regrettera en ce sens, que ne soit pas exposée à la galerie Nosbaum Reding, une série de Michael Simpson qui a travaillé sur le positionnement successif de l’ombre de l’échelle au fil des heures, ajoutant ainsi la mobilité à son répertoire hiératique.
Après ce travail cérébral et un aperçu du talent affirmé de dessinateur de Simpson (une vingtaine d’œuvres préparatoires de petit format mêlent craie et fusain, encre de chine et peinture à l’huile, gouache et encre) dans la petite pièce de la galerie principale, on passe au monde exubérant de Tilo Kaiser au Projects Room.
Tilo Kaiser, né en 1965 à Francfort, revient chez Nosbaum Reding deux ans après l’exposition Why not ? avec More Strippers Please… !. On retrouve son univers pop foutraque, saturé de couleurs, ses collages de flyers, cartes, pictogrammes, tissus recouverts d’écritures et de graffitis. Il ajoute à l’univers végétal qu’on lui avait découvert la fois précédente, un arc-en-ciel et une curieuse délimitation de pâturage en bois comme une limite devant la trivialité des choses. Sauf qu’on ne sait pas pour quel côté opte Tilo Kaiser, qui sacralise ces « débordements » par l’usage de l’or comme dans les icônes. Michael Simpson et Tilo Kaiser, ces deux artistes aux antipodes, prouvent, une fois n’est pas coutume, qu’Alex Reding lui, n’hésite pas à soutenir d’un bout à l’autre tout la palette des expressions picturales.