Réalité virtuelle, réalité augmentée, ou encore réalité cinématique, on ne sait pas très bien quels termes employer pour décrire le peu que l’on sait aujourd’hui de la percée technologique dont semble pouvoir se targuer Magic Leap, une start-up de Floride qui a annoncé ces derniers jours avoir levé 542 millions de dollars lors d’un round de financement qui la valorise à plus d’un milliard de dollars. Ce que veut bien révéler Rony Abowitz, son CEO, c’est qu’elle a développé une sorte d’accessoire portable léger et apparemment très peu intrusif (« lightweight wearable ») permettant d’insérer des objets virtuels animés de façon convaincante dans notre vision du monde réel.
Il est vrai que ce n’est pas le premier accessoire de ce type dont on nous vante les mérites. Il y a eu Google Glass, qui fascine tout en soulevant beaucoup de défiance et de railleries. Mais là, il s’agit avant tout de surimprimer des informations à notre champ visuel, qui prend du coup l’allure d’un tableau de bord regorgeant d’informations personnalisées. Avec Oculus Rift, qui propose l’immersion dans un monde virtuel en trois dimensions, mais se présente sous la forme d’un masque massif que l’on chausse sur sa tête, digne d’un film de science-fiction des années 70, on est plus proche de ce que propose Magic Leap, mais il est clair que ce n’est pas avec un accessoire présentant un tel encombrement que nous nous aventurerons de sitôt dans la rue. Facebook a déboursé deux milliards de dollars il y a quelques mois pour acquérir Oculus Rift.
Le produit développé par Magic Leap a en tout cas séduit Google et d’autres investisseurs de différents horizons dont KPCB, Andreessen Horowitz, Obvious Ventures, Qualcomm et Legendary Entertainment : on trouve donc notamment, aux côtés du géant de la recherche en ligne, des fonds d’investissement spécialisés dans la technologie, le premier producteur de processeurs pour téléphones portables et un producteur de films. Sundar Pichai, vice-president chez Google pour Android, Chrome et les Apps, va devenir membre du Conseil d’administration de Magic Leap.
Rony Abovitz a expliqué que l’invention de sa firme permet de combiner l’aptitude de notre cerveau à créer des expériences visuelles avancées avec l’informatique embarquée. Les reporters qui ont essayé d’en savoir plus sont arrivés à la conclusion qu’il doit s’agir d’un appareil capable à la fois de détecter les mouvements de nos yeux et de projeter sur la rétine des images animées qui s’y fondent et sont servies par notre appareil mobile. Le magazine spécialisé TechCrunch estime que ces images sont probablement « artificielles, mais extrêmement réalistes ». Compte tenu des remarques d’Abovitz et du tour de table réuni pour cette levée de fonds, qui comprend un producteur de films, cette expérience visuelle pourrait même être de nature cinématographique. On sait par ailleurs que Google cherche, avec Google Glass mais aussi potentiellement à travers d’autres technologies, à faire en sorte que nous passions davantage à regarder le monde qui nous entoure que l’écran de notre portable ou de notre tablette.
Contrairement à Oculus Rift, qui a opté pour un mode de développement à ciel ouvert impliquant les utilisateurs, Magic Leap sera préparé à l’abri des regards et lancé lorsqu’il aura atteint une maturité compatible avec une commercialisation grand public, a précisé son CEO. Sa firme, qu’il a fondée en 2011, se proposait en toute modestie, dans une déclaration faite en février 2014, de « développer et commercialiser l’interface technologique la plus naturelle et la plus compatible avec l’homme au monde ». Au vu du tour de table prestigieux qu’il vient de réunir et de la somme respectable qu’il a levée, il semblerait que ce n’étaient pas là des paroles en l’air.