Les médias américains rapportent cette semaine que deux grandes firmes de la Silicon Valley commencent à proposer à leurs employées de financer la congélation et la conservation d’ovules. Ces programmes sont assez onéreux, puisqu’outre la congélation d’une série d’ovules, qui coûte entre 7 000 et 12 000 dollars – il est en général recommandé de prévoir au moins deux séries –, il est nécessaire de prévoir un coût de conservation d’au moins 500 dollars par an. Facebook propose depuis le mois de janvier à ses employées de rembourser jusqu’à 20 000 dollars de dépenses liées à ces programmes, tandis qu’Apple proposera la même somme à compter de janvier prochain. Des banques et des cabinets d’avocats proposent des formules similaires.
Alors que ces programmes sont proposés depuis une dizaine d’années et étaient initialement destinés en premier lieu à des jeunes femmes atteintes de cancer, il est intéressant de noter que ce sont des entreprises de haute technologie qui sont les premières à en faire un des (nombreux) avantages liés à un emploi chez elles. Ces entreprises sont connues pour leur ambiance compétititive, qui pousse leurs jeunes cadres à mettre le paquet pour accélérer leur carrière dès leur recrutement, ce qu’elles compensent par des salaires au-dessus de la moyenne et des aménités non négligeables, notamment sous forme de services gratuits offerts sur le lieu de travail. Pour les jeunes femmes, qui restent malgré tout assez rares dans ces métiers, vouloir briller au sein des entreprises-vedettes de la Silicon Valley avant et pendant la trentaine est difficilement compatible avec des congés de maternité et le fait d’élever des enfants. Du point de vue des entreprises, il s’agit d’un avantage accordé aux familles parmi beaucoup d’autres, comme les primes-bébé et des avantages consentis pour les adoptions et aux familles homoparentales.
Un article publié sur ces avantages par le New York Times cite une jeune célibataire qui a recouru à un de ces programmes de conservation d’ovules et qui précise que non mariée, elle n’a pas pu bénéficier de cet avantage, ce qui selon elle « punit d’une certaine façon les femmes non mariées ».
De manière surprenante, il semble que les milieux médicaux ne cautionnent pas l’utilisation de la technique de congélation des ovules à des fins de report de fertilité. Le New York Times cite Dr Samantha Pfeifer, de la Société américaine de médecine reproductive, pour qui cette technique semble valable pour les jeunes femmes auxquelles elle est indiquée médicalement, mais qui précise que « nous ne pouvons pas aujourd’hui [en 2012 lorsque la technique a quitté le statut expérimental] endosser son usage choisi généralisé pour des femmes plus âgées qui souhaitent repousser à plus tard la maternité ». Il n’est pas possible de considérér les ovules congelés comme une garantie de pouvoir avoir des bébés plus tard. Les taux de succès pour des femmes qui ont moins de 35 ans lorsqu’elles conservent leurs ovules est de dix à douze pour cent par ovule, un taux qui chute à six à huit pour cent ou moins si elles les congèlent après 35 ans.
Qu’est-ce qui motive ces entreprises de la Silicon Valley à subventionner ces programmes de conservation d’ovules ? D’aucuns y verront une mesure d’égalité, de nature à faciliter les carrières des rares jeunes femmes qui essaient de progresser dans un monde qui reste largement dominé par les hommes. D’autres décéleront plutôt un arrangement dans l’air du temps, à la pointe de la médecine reproductive, mais motivé en premier lieu par le souhait égoïste de l’entreprise d’encourager ses employées à repousser leur maternité à plus tard pour se consacrer pleinement à leur travail. En tout cas, vivent les crèches !