La plus grande des bases de données de photos, Getty Images, a porté plainte il y a quelques jours auprès d’un tribunal de New York contre Microsoft, l’accusant de violation des droits d’auteur par le biais d’un outil d’insertion d’images associé à son moteur de recherche Bing et réclamant des dommages et intérêts. Peu après, Microsoft a obtempéré en désactivant momentanément le « Bing Image Widget » visé par Getty, qui permet aux blogueurs d’intégrer dans leurs sites web des images et diapositives trouvées par le biais de recherches effectuées sur Bing.
On a plutôt l’habitude de trouver Google, qui continue de dominer largement le marché de la recherche en ligne, au banc des accusés dans ce genre d’affaires. De ce point de vue, l’affaire représente une sorte de victoire indirecte pour Microsoft en termes de notoriété. « Nous avons temporairement retiré la version béta », a indiqué Microsoft sur son site. La firme a expliqué par ailleurs qu’avant une audience prévue le 17 septembre, elle entend « prendre le temps de parler à Getty Images pour mieux comprendre ses préoccupations ». Elle a précisé qu’étant elle-même un ayant-droit elle considère que les lois dans ce domaine sont « importantes ».
Entre les progrès des algorithmes des moteurs de recherche et l’abondance des images disponibles en ligne, trouver des images sur les thèmes les plus variés est désormais un jeu d’enfant. Là où, il y a encore quelques années, il fallait un documentaliste expérimenté ayant accès à des bases de données au maniement peu aisé et sévèrement contrôlé, quelques clics permettent aujourd’hui au commun des mortels de dénicher des illustrations variées, de les copier et de les utiliser comme bon lui semble. Getty Images dispose d’un trésor de 80 millions d’images, accessibles pour la plupart en ligne et qui, de par la nature de cette collection inégalée, figurent souvent dans les résultats de recherche des internautes.
Au titre du service à l’internaute, les moteurs de recherche rivalisent d’ailleurs d’efforts pour faciliter la découverte et l’utilisation d’illustrations. Ce qui est paradoxal dans cette affaire, c’est que Getty Images lui-même dispose d’un outil gratuit, analogue à celui retiré par Microsoft, et encourage donc lui aussi les internautes à se livrer à une utilisation non-payante de ses images. Il est vrai que cet outil encadre mieux l’usage, notamment en matière de taille et de résolution. Getty reproche à Microsoft de « violations massives » parce qu’il ne tiendrait pas compte du statut en terme de droits d’auteur des images trouvées sur le web par les robots de Bing et de les proposer sans avoir obtenu l’assentiment des ayants droits tels que Getty. Quelle est donc la ligne rouge qu’aurait franchie Microsoft avec son widget lancé fin août, mais pas Google ou le plaignant lui-même ?
À l’ère du copier-coller universel, « l’érosion » des droits d’auteur dont se plaint Getty est d’une certaine façon inévitable. Les images de Getty ont besoin d’être accessibles en ligne pour pouvoir être commercialisées. Simplement, ce que Bing a omis de faire, c’est d’intégrer dans son widget un dispositif qui répercute systématiquement les crédits attachés à une image et qu’il est destiné à une utilisation non-commerciale. Cela peut paraître un détail insignifiant, qui n’empêche pas en soi le pillage de son fonds, mais pour Getty, cela fait sans doute la différence entre préserver ses chances de continuer de faire fructifier tant bien que mal sa banque d’images, notamment par le biais de la vente de publicités en ligne sur les sites affichant ses photos, et devoir y renoncer face au déferlement tous azimuts d’usages non autorisés.