Uber, exclu de l’ensemble du marché allemand cette semaine par une décision en référé à Francfort, a déclaré n’en avoir cure et vouloir continuer d’offrir ses services dans ce pays tout en cherchant à obtenir gain de cause devant la justice. Le service fondé sur des applications mobiles, qui met en contact chauffeurs et passagers à des prix très avantageux par rapport aux taxis traditionnels, a indiqué que l’Allemagne est un de ses marchés connaissant la plus forte croissance et, sûr de lui, a déclaré qu’on ne « freine pas le progrès ». En face, les représentants des organisations de taxis, rejoints par un édile de la ville, se réjouissent de la décision du tribunal de grande instance de Francfort. Pour eux, Uber est un concurrent déloyal qui roule sans toutes les assurances requises, ne contrôle pas les chauffeurs et n’investit pas.
La décision en référé prévoit que si Uber continue de proposer son offre UberPop sur le marché allemand, il s’expose à des amendes pouvant atteindre 250 000 euros par course organisée. Ses employés locaux risquent jusqu’à six mois de prison. Les chauffeurs freelance offrant leurs services par le biais d’Uber ne sont eux pas inquiétés. Si l’organisation de taxis constate qu’Uber ignore la décision en référé, il lui faudra toute-fois porter plainte séparément contre l’infraction constatée, autrement dit, le référé ne s’applique pas automatiquement. A noter que la décision du tribunal de Francfort concerne exclusivement le service standard d’Uber, et pas son service de limousines dit « Uber Black ».
Au vu de la combativité affichée d’Uber, on en est donc, très probablement, aux débuts d’une confrontation qui va défrayer la chronique pendant quelque temps et s’étendre à d’autres villes allemandes. Uber, dont le siège est à San Francisco, constitue-t-il une concurrence déloyale pour les taxis allemands ? La start-up a en tout cas le vent en poupe, avec une valorisation de l’ordre de quinze milliards de dollars et des services proposés dans une centaine de villes dans 45 pays. Elle a été attaquée en justice sur plusieurs marchés où elle opère, mais, même si des affaires restent en suspens dans certains d’entre eux, a fini par s’imposer dans la plupart des cas. Contrairement au modèle d’affaires des taxis traditionnels dont les centres d’appel servent à arranger des courses individuelles, Uber propose d’autres options, dont le convoyage pour réduire les coûts pour ses utilisateurs et son service de limousines. Au cœur du modèle d’affaires d’Uber, il y a son application pour mobiles, qui fonctionne comme des centres d’appel embarqués aussi bien dans la poche des passagers que sur les tableaux de bord des chauffeurs offrant leurs services. La start-up n’a sans doute pas vraiment le choix si elle veut se donner les moyens de poursuivre son expansion : elle se doit de défier de manière agressive les bâtons que lui mettent dans les roues les taxis traditionnels.
Du côté de Taxi Deutschland eG, l’organisation qui a obtenu la décision en référé, on critique surtout qu’Uber mette en contact des passagers avec des chauffeurs privés qui n’ont pas, comme ses membres, des autorisations de transport de passagers et n’ont pas à répondre aux différentes obligations qui incombent aux taxis professionnels : ce serait donc un cas classique de concurrence déloyale. Dieter Schlenker, son président, a déclaré : « Uber encaisse sans investir et n’assume aucune responsabilité. Les chauffeurs ne sont pas contrôlés, ils ne sont ni assurés ni ne reçoivent de salaire fixe ». Uber, de son côté, s’est réjoui du succès qu’il rencontre sur le marché allemand en estimant que « consommateurs allemands aiment les décisions judicieuses, les villes intelligentes et l’excellent service d’Uber ».
Les challengers venus d’Internet bousculent les intérêts de bien de professions, et ce sont souvent des juges qui sont appelés à trancher les différends alors que les consommateurs ont déjà commencé à faire pencher la balance en faveur des nouveaux entrants. Dans ce cas particulier, face à des entreprises de taxi traditionnelles perçues comme chères et réfractaires au progrès, Uber a beau jeu d’invoquer l’innovation et la concurrence.