Une application d’une simplicité désarmante se taille ces derniers mois un succès surprenant dans l’univers fluide des réseaux sociaux. L’application Yo fait une seule et unique chose : elle envoie un message texte disant « yo » et produisant le son correspondant au Smartphone du destinataire. Cela ne l’a pas empêchée d’être téléchargée au moins deux millions de fois, d’avoir donné lieu à l’envoi de jusqu’à quatre millions de « yo » en un seul jour et d’obtenir, en deux vagues, un financement de 2,5 millions de dollars. Sans parler du buzz assez phénoménal qu’elle a généré dans la technosphère.
À l’origine de l’application, la demande de Moshe Hogeg, CEO de la société Mobli, une startup de partage de photos et vidéos basée à New York, au programmeur Or Arbel de créer une application qui lui permettrait d’appeler depuis son téléphone son assistant en appuyant sur un seul bouton. Arbel, qui travaillait dans une autre start-up, mit huit heures pour écrire l’application. Après sa mise en ligne le 1er avril 2014 (ça ne s’invente pas), face au succès rencontré, il a décidé de s’y consacrer à plein temps, obtenant d’abord l’appui de Hogeg puis d’un autre groupe de financiers. Malgré sa simplicité, Yo est devenue la coqueluche de ceux à l’affût de la dernière innovation en matière de réseaux sociaux. Le succès de Yo interpelle, intrigue ou amuse. Il provoque même chez certains commentateurs des tirades philosophiques sur le chemin que prend le Web 3.0 chez d’autres des avertissements alarmés sur la bulle techno sur le point d’exploser dont témoignerait son succès. Elle est disponible pour les systèmes d’exploitation pour mobiles Android, iOS et Windows. Lors du dernier round de financement, elle a été estimée à cinq à dix millions de dollars. Ce qui a sans doute contribué à cette valorisation, c’est le troisième rang des applications les plus populaires qu’elle a détenue pendant quelque temps dans l’Appstore d’Apple.
Voilà donc une application réduite à sa plus simple expression, à l’interface composée de quelques grands blocs aux couleurs vives qui permettent notamment d’étendre la liste des contacts auxquels on peut envoyer des « yo », sans réglages ni options. On peut situer Yo, au moins partiellement, dans la mouvance d’applications comme Snapchat, dont les contenus s’effacent après avoir été visionnés. Après avoir cherché par tous les moyens à rendre l’expérience de la communication à travers les réseaux sociaux plus riche et plus sophistiquée, l’effort entrepris aujourd’hui semble viser à rendre cette expérience plus immédiate, plus directe, peut-être même plus viscérale. Un « yo » reçu le matin de la part d’un ami, auquel on répond aussitôt, d’une pression sur un bouton, par un « yo » rigoureusement identique, est à la fois un court moment de complicité, un signe de vie et un échange parfaitement insignifiant. Mais il suffit d’adopter un code ou une convention pour qu’elle joue un autre rôle, signalant un événement, la publication d’un post de blog, un but marqué. L’intention du développeur de Yo semble être de miser sur sa nature de notification simple mais efficace et les possibilités commerciales qui pourraient en découler. On peut imaginer que des chaînes de magasins choisissent de signaler le lancement de promotions ou l’arrivée d’un nouveau produit à leurs publics par ce biais. Or Arbel envisage aussi que les utilisateurs puissent à terme faire l’acquisition de « yo » prononcés par des personnalités et les envoyer à leurs contact. Mais il semble écarter l’idée de rendre l’application plus complexe, et on ne peut que lui donner raison sur ce point : la simplicité est au cœur de Yo.
Il semble rigoureusement impossible de prédire l’avenir de l’app. De même que Yo peut continuer sur sa lancée, notamment s’il est adopté par une ou plusieurs grandes marques ou s’il trouve un public particulièrement enthousiaste dans une tranche d’âge ou un contexte particuliers, il peut aussi perdre de son attrait en quelques mois et disparaître des radars.