Amazon s’est offert cette semaine le site Twitch pour près d’un milliard de dollars. Twitch est une plateforme de streaming dédiée aux jeux vidéo : elle permet aux internautes d’observer des joueurs s’adonner à des jeux en ligne, comme d’autres suivent des compétitions sportives, et diffuse en direct ou à la demande les grandes compétitions des jeux les plus en vue. L’acquisition est révélatrice de la stratégie du géant du commerce en ligne Amazon, qui s’active tous azimuts pour établir et asseoir sa présence à tous les points de consommation émergents du Net – même si cette définition colle aussi à plusieurs autres géants du Net, dont on constate à cette occasion que les stratégies convergent de plus en plus même si leurs activités d’origine diffèrent. Amazon n’était pas le seul à courtiser Twitch : Google a essayé d’acquérir la plateforme pour une somme comparable, mais aurait renoncé au dernier moment en raison d’un possible véto des autorités américaines de la concurrence.
Twitch existe depuis 2011. Il a été créé comme spin-off centrée sur le gaming de la plateforme de streaming Justin.tv, qui présentait depuis 2007 aussi d’autres types de contenus, dont la musique, et qui a cessé de fonctionner de manière abrupte début août 2014. La croissance de Twitch a été telle qu’il représente aujourd’hui le quatrième site aux États-Unis en matière de trafic Internet aux heures de points après Netflix, Google et Apple, avec 1,8 pour cent du volume total. On lui prête plus de 55 milions de visiteurs par mois, avec chacun une durée moyenne de visionnage d’une heure et demie par jour et un total de 15 milliards de minutes de stream visionnés. L’utilisateur typique est un homme âgé de 18 à 34 ans. Twitch est aussi disponible comme app pour iOS et Android.
Une fois de plus, le montant déboursé pour cette transaction a de quoi laisser rêveur : Twitch, basé San Francisco, emploie quelque 80 employés. Et bien que la publicité qu’un tel canal peut diffuser vers un public d’aficionados et de consommateurs passionnés de technologie soit citée comme l’un des ressorts de la transaction, il est bien connu que les gamers y sont assez rétifs, du moins dans ses versions frontales.
Twitch met davantage en avant l’interactivité, avec par exemple des canaux de chat, très actifs, qui permettent de commenter à chaud les performances des gamers. Les joueurs ou les compétitions les plus en vue attirent des dizaines, voire des centaines de milliers de spectateurs. Signe qu’une plateforme comme celle-ci peut transcender les intentions des auteurs d’origine d’un jeu vidéo et ouvrir de nouveaux horizons en matière d’interactivité, des utilisateurs de Twitch ont participé début 2014 à une initiative remarquée autour du jeu Pokémon Red, avec un système qui permet d’utiliser des commandes entrées dans le cadre du chat pour contrôler le jeu. Le stream, nommé Twitch Plays Pokemon, a connu un tel succès qu’il est règulièrement suivi depuis par 60 à 70 000 internautes, dont un dixième interviennent comme joueurs. Bien que le jeu soit passablement primitif, son caractère « temps réel » en fait un passe-temps addictif. Twitch est indéniablement leader sur son créneau, les canaux comparables sur YouTube ou d’autres plateformes étant loin de réunir des audiences comparables. L’acquisition de Twitch par Amazon est largement perçue comme un épisode de son affrontement avec Google. Les deux géants cherchent à imposer leur présence sur toutes les interfaces significatives du Net. En plus des points d’entrée classiques, fixes ou mobiles, cela inclut donc aussi les principales consoles utilisées pour les activités ludiques tels que Play-station ou Xbox, qui peuvent également participer à la stratégie de ces deux groupes pour servir de la publicité et occuper les relais pouvant déboucher sur des actes d’achat.