Facebook a annoncé qu’il relançait la régie publicitaire Atlas, qu’il a rachetée l’an dernier à Microsoft pour une centaine de millions de dollars, pour permettre aux annonceurs de cibler les utilisateurs de son réseau sur d’autres sites web et sur différentes plateformes. La firme de Mark Zuckerberg met donc désormais les bouchées doubles pour concurrencer Google sur son marché le plus profitable, celui de la publicité en ligne. Ce faisant, le premier réseau social mondial, fort de ses 1,3 milliard d’utilisateurs actifs au moins une fois par mois, pousse jusqu’à l’extrême limite la logique de l’exploitation commerciale des données personnelles que lui confient ses utilisateurs. Atlas a passé un accord avec l’agence Omnicom, la deuxième plus grande au monde, qui va placer des annonces sur son réseau, amenant d’emblée des clients tels que Pepsi et Intel. Couvrant déjà six pour cent du marché publicitaire en ligne en 2013, Facebook peut espérer, selon le service eMarketer, atteindre huit pour cent à la fin de l’année. L’avantage que compte développer Atlas est celui du « cross-platform », autrement dit la capacité de tracer, notamment, un acte d’achat réalisé sur un laptop suite à une pub visualisée sur un portable ou une tablette.
Les actions Facebook se portent bien ces derniers mois, ce qui a fait oublier leur début quelque peu chaotique en bourse. La société est loin d’être aux abois. Si elle a pris cette décision de pousser plus loin sa logique publicitaire, c’est donc sans doute qu’elle a estimé que les activités d’Atlas et d’Omnicom seront acceptées sans trop de protestations de la part de ses utilisateurs. Et ce même si ceux-ci découvrent d’ici quelques mois que leur profil Facebook, qu’ils sont nombreux à actualiser et à alimenter religieusement, leur vaut d’être généreusement abreuvés de publicités en ligne hyper-ciblées placées par des annonceurs auxquels Atlas aura revendu leurs détails. Et il faut reconnaître que sur ce plan, Facebook recueille jour après jour les informations les plus recherchées par les services marketing puisque puisées à la source, au coeur de la vie privée des consommateurs. Nul doute qu’avec des algorithmes astucieux, ces services devraient pouvoir déboucher sur des annonces si bien taillées sur mesure qu’elles auront un taux de transformation bien supérieur aux publicités en ligne classiques. Âge, sexe, situation familiale et professionnelle, calendrier des anniversaires, projets de vacances – il y a tout ce qu’il faut dans un profil Facebook un tant soit peu à jour pour multiplier l’efficacité des pubs – bien plus en tout cas que dans les cookies sur lesquels les stratèges de la publicité en ligne comptent en général pour cibler leurs annonces. Les cookies ne fonctionnent d’ailleurs pas sur les mobiles, alors que ceux-ci se taillent une part croissante du marché de la pub en ligne.
Contrairement à Google, dont le modèle d’affaires publicitaire émane essentiellement de son activité de base qu’est la recherche sur le web et s’est largement imposé, Facebook, avec ce pari de plus pour « monétiser » son positionnement et satisfaire ses actionnaires, attend de ses utilisateurs qu’ils acceptent de se transformer encore un peu plus en vaches à traire. Il faut d’un autre côté reconnaître que Google occupe une place tellement prépondérante sur ce marché que toute avancée de concurrents est susceptible de créer un appel d’air. Quant aux préoccupations relatives à la vie privée et à l’omniprésence de la pub, Facebook pourra faire valoir – mais on ne sera pas obligé de le croire – que si les publicités sont mieux ciblées et ont un meilleur coefficient de succès, cela pourra en définitive contribuer à réduire le volume de pub auquel l’internaute sera exposé.