Qwant, le moteur de recherche français qui se veut respectueux des données de ses utilisateurs, vient d’annoncer son alliance avec Open-Xchange, une firme allemande offrant un service de messagerie solidement encrypté. Le tandem franco-allemand s’apprête à lancer « Ox.io », une suite comprenant messagerie, collaboration en ligne en temps réel, échange de données, applications bureautiques et encryptage : la plateforme permettra donc de créer des emails, des textes, des tableaux et des présentations ainsi que de gérer des listes de contacts et un agenda. Le modèle d’affaires repose en partie sur la publicité, mais sur base de préférences exprimées par les utilisateurs eux-mêmes, plutôt que sur une analyse de leur activité en ligne ; l’offre de base (gratuite) comprend un volume de deux Gbytes pour la messagerie et de deux Gbytes pour les données stockées. La joint-venture prévoit de proposer ultérieurement un service payant sans publicité.
Ox.io entend bel et bien s’attaquer au quasi-monopole que s’est taillé Google sur ce marché ces dernières années, en misant sur la défiance croissante des internautes à l’égard de l’exploitation publicitaire opaque et agressive de leurs données par le géant de Mountain View. Qwant, qui a été créé en 2013 à Paris et qui commence aujourd’hui à s’étendre sur le marché européen, promet de ne placer que des cookies de session (pas de cookies permanents) et de ne pas stocker les adresses IP de ses utilisateurs. Qwant a fait vœu de présenter les mêmes résultats de recherche quel que soit l’utilisateur ayant fait la requête (sauf si l’utilisateur souhaite expressément des résultats personnalisés et s’enregistre sur le site à cet effet).
Les données des utilisateurs d’Ox.io seront exclusivement hébergées à Berlin, ont annoncé les partenaires, dont l’initiative a été présentée la semaine dernière lors d’une conférence franco-allemande consacrée au numérique. Les internautes qui créent un compte ox.io auront accès à un lecteur cloud sur lequel ils pourront stocker leurs données et à un service de messagerie (adresses : @ox.io), les deux devant sous peu bénéficier d’un service d’encryptage baptisé OX-Guard qui recourt à la fois à AES (advanced encryption standard) et à un cryptage de type RSA clé publique/clé privée, deux techniques cryptographiques éprouvées. Grâce à ce dispositif, les utilisateurs d’ox.io bénéficieront d’une protection poussée de leurs données et pourront même étendre celle-ci à des échanges avec des non-utilisateurs de la plate-forme grâce à la création ad-hoc de comptes spéciaux. L’intention d’OX-Guard est de proposer à ses utilisateurs une protection comparable à celle de Pretty Good Privacy (PGP). Ce dispositif, dont on imaginait, après les révélations d’Edward Snowden sur les pratiques détestablement intrusives des agences de renseignement, qu’il allait se généraliser, a été fortement pénalisé par les difficultés techniques qu’implique son utilisation pour les non-experts.
Une alliance passée en 2016 entre un moteur de recherche et une plateforme de collaboration en ligne qui se donnent pour mission de mettre les données de leurs utilisateurs à l’abri des yeux et oreilles indiscrets, que leurs motivations soient politiques ou commerciales, le tout dans un contexte franco-allemand, peut sembler quelque peu tardive pour avoir une chance de s’attaquer à la prééminence de Google. Pourtant, il faut reconnaître que la joint-venture est bien placée pour bénéficier des incertitudes résultant des élections présidentielles aux États-Unis. Au plan politique, Google a certes pu, dans une certaine mesure, limiter les dégâts après qu’Edward Snowden eut dévoilé l’ampleur des menées des agences américaines. Mais, outre le fait que les pratiques publicitaires de Google sont en elles-mêmes hautement problématiques, il est légitime de se demander si le géant californien pourra continuer de s’affirmer face à la nouvelle configuration qui s’esquisse à Washington. Ox.io arrive donc à point nommé.