Su-Mei Tse et Yves Netzhammer exposent leur vision de l’ordre et du désordre du monde chez Beaumontpublic avec amour, critique de la société, humour, honnêteté universelle, nostalgie numérique, rythme et tempo essentiels, poésie musicale, silence et mutisme, tachisme calligraphique, finesse du trait graphique, installations post-constructivistes, univers surréalistes et expressivité métaphysique. Deux artistes qui inventent non seulement de nouvelles directions à l’ordre établi qui régit notre quotidien, mais aussi de nouveaux « sens » de l’ordre, de nouvelles significations ainsi que de nouvelles pistes sensorielles et subjectives qui remettent l’ordre interne en question, de l’horloge biologique aux règles et limites de la bataille vue à travers le jeu de squash, des stratégies et tactiques guerrières à l’ordre de l’amour et de l’affect.
Avec Open Score, projection vidéo de très grand format, Su-Mei Tse ouvre la partie dans un match de squash où elle joue seule, projette une balle contre les parois qui l’entourent, œuvre s’avérant être pensée selon l’espace d’exposition. C’est un espace mental, blanc, dans lequel les rebonds de la balle défient les lois temporelles, la scène s’accélère et se met en mode ralenti. Su-Mei Tse expose également une série de dessins à l’encre intitulée Schmerzhafte ZwischenTöne reprenant les motifs calligraphiques et rappelant une partition musicale. La sculpture White Noise consiste en une boîte en bois sur laquelle est posé un disque vinyle parsemé de billes blanches. L’absence du partenaire de jeu, jeu collectif individualiste et l’absence de son émis par le tourne-disque évoquent la notion de mutisme et de l’importance donnée aux sens humains, retrouvée régulièrement dans le travail de l’artiste.
L’artiste suisse Yves Netzhammer présente plusieurs éléments dont le film Adressen unmöglicher Orte au sous-sol de la galerie. Il y est question d’absurdité de l’existence au fil d’un scénario improbable où des individus anonymes et des animaux évoluent dans un univers, triste, violent et métaphysique. Des taches de sang apparaissent sur l’écran, des machines de guerre et des armes à feu dans une ambiance chaotique et une vision négative de la société. Mais il y a également de l’humour et du ressentiment entre les êtres qui essayent de s’aimer, une raquette, un gâteau d’anniversaire, de la compassion. Un jeu sur la construction et l’architecture est également perceptible dans le travail de l’artiste et notamment dans une installation de briques de béton et de bois accrochée au mur où des valises sans propriétaires sont encastrées. Au sol est posée une structure agencée de tubes de cuivre, sans queue ni tête évoquant un système désorganisé, une communication interrompue.
Le travail sur les lignes et l’espace de l’œuvre de Su-Mei Tse répond à celui de Yves Netzhammer dans son œuvre Sans titre, une installation avec deux chaussures posées au sol dont les lacets structurent la pièce. Dans cette exposition New Sense of Order, on retrouve de nombreux points communs dans le travail des deux artistes, même si leurs univers respectifs et les media utilisés sont très différents : raquettes de sports (squash et ping-pong), lignes spatiales, géométrie des formes, œuvres multimédia, gravité existentielle, limites du corps humain et prolongements, délicatesse des œuvres sur papier, poésie et humour. La critique de la hiérarchie dans le film de Netzhammer, l’aspect clinique des images, les hommes-marionettes instrumentalisés, assujettis par la société se noient dans une mélancolie de la représentation. Chez Su-Mei Tse, on retrouve l’affrontement, l’attaque et la défense, l’enseignement, l’apprentissage, une plénitude méditative, le savoir-faire, la concentration, mais aussi la douleur, l’accident et le hasard dans les taches d’encre de sang coulées des pinceaux. Abstraction, expressivité formelle, constructivisme et minimalisme se côtoient dans des oeuvres fortes.
New Sense of Order propose un nouvel ordre des sens ou un nouveau sens de l’ordre. La constatation est noire, mécanique, synthétique et numérique mais ouverte à la production de subjectivité. Les lieux inconnus et territoires sans adresses et les adresses des lieux impossibles traversés dans le film Netzhammer sont hantés et laissent un goût amer dans la bouche.